A travers la cordillère de Darwin
– EXTRAIT –
Où se trouve la cordillère de Darwin ? À quoi ressemble-t-elle ? S’il est peu courant de répondre à la première question, la seconde est-elle réservée à quelques chanceux qui, naviguant sur le canal de Beagle, ont eu droit à une éclaircie. En 1832, Charles Darwin fut un de ces premiers chanceux à bord du HMS Beagle commandé par Robert Fitzroy qui baptisa alors du nom du jeune naturaliste de 22 ans ces montagnes. Nous sommes ici dans les cinquantièmes hurlants dans une péninsule à l’ouest de la grande île de Terre de Feu, une des terres les plus inhospitalières de la planète, au Chili. À quelques milles au nord du cap Horn, la Cordillera Darwin serpente au milieu des fjords et des tempêtes à plus de 2 000 mètres d’altitude.
Une fois dans la montagne, la seule échappatoire possible est la mer et le bateau, les secours aériens sont quasiment impossibles. On y est donc livré à soi-même : le huis clos est parfait.
Peu d’alpinistes ou d’explorateurs y sont allés. Elle présente en effet tous les facteurs les plus repoussants. La météo est catastrophique avec d’incessantes perturbations portées à plus de 200 km/h par les vents du sud-ouest venant de l’Antarctique. Les précipitations alimentent d’immenses glaciers qui se jettent dans la mer. L’accès à la montagne est difficile, il faut tout d’abord traverser en bateau le détroit de Magellan ou le canal de Beagle, puis trouver un chemin à travers une forêt primaire dense, des marécages verticaux, des falaises plongeant dans la mer ou des cascades de séracs. Une fois dans la montagne, la seule échappatoire possible est la mer et le bateau, les secours aériens sont quasiment impossibles. On y est donc livré à soi-même : le huis clos est parfait.
Pourtant, la cordillère de Darwin est attirante. Sa cartographie imprécise, ses sommets portant des noms mais impossibles à localiser, sa multitude d’autres montagnes non baptisées… Voilà pourquoi nous y sommes allés : repousser l’inconnu. Même si dans un premier temps, nous n’avions pas conscience de cet enfer, nous voulions troquer nos crampons d’alpinistes pour la boussole et la curiosité de l’explorateur. Ceux qui y étaient allés nous parlèrent alors de l’impossibilité de réaliser la traversée de cette chaîne de montagnes de cent cinquante kilomètres de long. Nous nous sommes alors rendu compte de la complexité du projet dans lequel nous nous embarquions : une exploration d’alpinisme. Les Canadiens ont été notre principale source d’informations en nous précisant qu’il était impossible de se déplacer dans le mauvais temps. La seule fois où ils avaient essayé, cela s’était soldé par une impressionnante chute en crevasse. L’autre tentative réalisée par des guides français en 2009 aura été une suite incroyable de mésaventures et nous aura appris ce qu’il ne fallait pas faire. Dès lors, avancer dans le mauvais temps deviendra l’une de nos obsessions.
Carnet de voyage du Groupe militaire de haute montagne de Chamonix à découvrir dans Numéro 36.
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