thibaut Gosset - train en Asie centrale
Carnet de voyage - Ouzbékistan

Aventures ferroviaires en Asie centrale

Tracer un itinéraire entre Alma Aty et la mer Caspienne, c’est la certitude de plonger dans l’histoire spectaculaire de l’Asie centrale. Décider de traverser ces déserts, ces steppes, ces montagnes en train, c’est s’asseoir aux premières loges.

– EXTRAIT –

Après une semaine passée à Astana, la délirante et futuriste capitale kazakhe qui élance les flèches d’acier de ses gratte-ciel impersonnels vers un soleil meurtrier, nous prenons la direction d’Almaty, son alter ego historique. Si Astana a tout d’un vaisseau spatial capitaliste brutalement parachuté en pleine steppe, Almaty fait figure de douce et aimable vieille dame avec ses nombreux parcs arborés et ses bâtiments un peu croulants encore hantés par les fantômes de son passé soviétique mais pleins cependant d’une riche vie de quartier.

Vingt heures de train nous attendent pour traverser le pays du nord au sud, sur plus de 1300 kilomètres. Nous qui rêvions du transsibérien depuis des années, nous voici comblés par la perspective de cette grande aventure ! Le train est incroyablement moderne et confortable. Dès que la locomotive démarre, une certaine agitation saisit tous les occupants, y compris les chefs de wagons jusque-là tirés à quatre épingles : chacun se débarrasse le plus vite possible de sa tenue élégante de citadin racé pour enfiler son jogging préféré, si possible le plus avachi et ses claquettes les plus moches. Thibaut se fait mettre dehors sans ménagement par les deux vieilles femmes kazakhes avec qui nous partageons le compartiment, le temps que celles-ci enfilent avec délice leurs blouses à fleurs et châles de voyage, le tout dans un concert de caquètements ravis qui me donne une furieuse envie de rire. Le ton est donné : ici, c’est comme à la maison ! Pour notre part, pas besoin de nous changer, nous sommes déjà dans des vêtements informes et délavés, qui nous accompagnent depuis que nous avons quitté la France il y a cinq mois de cela…

Dehors il fait encore plus de 30 °C à 20 heures passées et la steppe roussie étend ses immensités immuables dans la lumière dorée d‘un soleil qui mettra une éternité à se coucher. Et dire qu’il y a à peine trois semaines il neigeait encore… Il n’y a dehors pas un arbre, pas un relief, pas un brin d’ombre. La moindre aspérité de la ligne d’horizon devient alors sujet de conjectures

Chacun s’installe alors confortablement dans son voyage et s’approprie à sa façon les espaces de cette caravelle terrestre des temps modernes. Les enfants jouent aux petites voitures dans les couloirs pendant que les adultes les surveillent d’un œil nonchalant depuis leur couchette. Certains déballent de véritables festins dignes d’un Gargantua aux origines nomades sur les petites tables entre les couchettes basses, d’autres disputent une partie d’échecs ou vont se chercher de l’eau chaude au samovar, rutilant dans sa version de chrome et d’acier. Toute la vie quotidienne kazakhe se retrouve dans ce train gigantesque aux allures de Transperceneige. Dehors il fait encore plus de 30 °C à 20 heures passées et la steppe roussie étend ses immensités immuables dans la lumière dorée d‘un soleil qui mettra une éternité à se coucher. Et dire qu’il y a à peine trois semaines il neigeait encore… Il n’y a dehors pas un arbre, pas un relief, pas un brin d’ombre. La moindre aspérité de la ligne d’horizon devient alors sujet de conjectures et lorsque l’on croise une route, l’œil n’est distrait que par les quelques tumuli des tombes érigées en bord de chaussée en hommage aux accidentés de ces voies rectilignes propices aux hallucinations dans leur monotonie.

Après être restés des heures le nez collé à la vitre du couloir, émerveillés et aimantés par l’infini de cet océan de pâturages arides, nous partons explorer ce vaisseau de métal en quête du wagon-restaurant. Au menu, de délicieux raviolis arrosés de litres de thé fumant. Le service, sur nappe blanche et amidonnée, est assuré par un serveur dilettante. Nous y faisons la connaissance d’un compatriote venu ici prospecter le formidable sous-sol kazakh pour le compte de sa société. Celui-ci regorge en effet de richesses minérales fabuleuses : le Kazakhstan revendique fièrement la présence sur son territoire de la quasi-totalité des composants du tableau périodique des éléments !

Rendus somnolents par le roulis du train, nous irons nous coucher bercés par la vision immuable de la steppe. Lorsque nous ouvrirons les yeux huit heures plus tard, le paysage n’aura pas changé.

Carnet de voyage de Camille Grisollet et Thibaut Gosset à découvrir dans le Numéro 61

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