Katia Astafieff - Russie - Bouts du monde
Carnet de voyage - Russie

Brut

Que peut-on aller faire dans la péninsule de Kola, au nord de la Russie ? Les douaniers se sont étonnés de voir Katia Astafieff débarquer seule à Mourmansk, îlot de béton dans cette terre de tourbières, d’éleveurs de rennes et de déchets nucléaires.

EXTRAIT :

Toundras dénudées, forêts de conifères écorchés, montagnes âpres et abruptes, paysages austères et rugueux : un bout du monde au-delà du cercle arctique. C’est dans cette région que fut tourné Léviathan, le terrible film d’Andreï Zviaguintsev, une région en partie longtemps interdite aux visiteurs, percée de zones militaires secrètes, parcourue de rivières bruyantes, où le soleil ne se couche pas en été.

La péninsule de Kola s’étire dans les mers du Grand Nord, méconnue et fascinante. Un coin de Russie qui m’attirait comme un aimant, car j’aime ce pays et j’aime le Nord. La Russie est immense. Il faudrait s’y rendre mille fois pour la connaître. J’y ai effectué quatre voyages, l’un au pays des loups dans un petit village dans les bois, un autre sur la voie du mythique transsibérien, un autre encore à Saint-Pétersbourg pour m’initier à la sublime langue du pays. Et ce dernier voyage, pour traverser la contrée reculée de Kola, située entre la Norvège et la Finlande à l’ouest, la mer de Barents au nord et la mer Blanche à l’est et au sud.

C’est sur cette terre aussi que vivent les Samis de Russie, que je voulais rencontrer. La ville principale se nomme Mourmansk. C’est la plus grande ville du monde située au-dessus du cercle polaire. Pendant deux mois d’un long hiver, les habitants ne voient pas la lumière. Pour s’y rendre, on peut prendre le train (vingt-huit heures depuis Saint-Pétersbourg) ou un vol interne (deux heures cette fois de Saint-Pétersbourg). Je suis la seule étrangère dans l’avion et mon arrivée ne passe pas inaperçue.

Muzéi ? Oui, je les comprends, faire tant de kilomètres pour visiter un musée vieillot où tout est écrit en russe et où il n’y a pas grand-chose à voir peut paraître étrange

Atterrissage à une heure du matin et, surprise, en dehors du taxi qui patiente, j’ai droit à un inattendu comité d’accueil : trois douaniers m’attendent aussi. Ma présence semble des plus soupçonneuses. Les hommes me font passer un interrogatoire digne d’un film d’espionnage pendant plus d’une heure. Mais il se fait tard, je rêve d’un bon lit plutôt que de me retrouver à être la dernière passagère avant la fermeture de l’aéroport, tentant de répondre tant bien que mal aux questions de douaniers bien curieux. Que fais-je ici ? Et bien… je viens visiter. Visiter ? Mais visiter quoi ? Mourmansk. Vous allez voir quoi à Mourmansk ? C’est une très bonne question, ai-je envie de répondre. C’est sûr que la ville possède moins d’atouts touristiques que Venise, Paris ou la cité de Pierre-le-Grand ! Il n’existe pas de guides de voyage sur la région et j’ai pu juste trouver quelques informations sur internet. Je réponds par exemple que je vais visiter le musée de Mourmansk. Muzéi ? Oui, je les comprends, faire tant de kilomètres pour visiter un musée vieillot où tout est écrit en russe et où il n’y a pas grand-chose à voir peut paraître étrange. Ils trouvent surtout bizarre que je voyage seule. Je ne fais pas de blagues et ne réponds pas que je suis journaliste et que je vais visiter des sites militaires, ils m’emmèneraient directement en prison.

Carnet de voyage de Katia Astafieff à découvrir dans Numéro 48

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