Chez les coupeurs de tête du Nagaland
Lorsqu’on est invité chez quelqu’un qui pèse, il faut savoir faire bonne impression. C’est donc tout naturellement que j’achète, pour le souverain de Longwa, une bouteille de whisky. Sa maison se situe à la frontière indo-birmane, sur les crêtes du Nagaland. Ce n’est pas une mince affaire pour s’y rendre, mais la route depuis Mon est splendide. (…)
Sur la route, je me régale des scènes de la vie quotidienne. Dans un petit village à mi-chemin, j’observe sous la pluie battante de jeunes vendeuses aux ongles peints de rouge, minauder pour obtenir les faveurs d’un play-boy local. Le garçon, aux tempes garnies de tresses, les fait glousser et leur tape sur le popotin en signe amical. Il est toujours de bon ton de prendre la température des us et coutumes de l’endroit où l’on se rend.
Une chose est certaine : les Nagas n’ont rien à voir physiquement et culturellement avec leurs voisins hindous de l’Assam. Dès le poste frontière entre l’Assam et le Nagaland, les faciès ont changé. La peau des Nagas est plus brune et ils ont des racines mongoloïdes. Ils portent des machettes et tirent dans les arbres au fusil sur on ne sait trop quoi…
Loin d’être intimidée par les habitudes incongrues de mes hôtes dont je n’ai qu’ouï-dire, je suis pressée de découvrir comment ils vivent aujourd’hui et quel accueil ils me réserveront.
S’il est possible de rencontrer le roi, je ne peux pas dormir chez lui. Ça ferait mauvais genre, vous comprenez. D’ailleurs je ne sais pas du tout à quoi il ressemble. Peut-être est-il bel homme ? Lorsque j’arrive à Longwa, à seulement 42 kilomètres mais trois heures de route de Mon, je m’installe donc chez une charmante famille à l’entrée du village.
Le vieux couple a eu sept filles. Toutes plus jolies les unes que les autres, elles sont à présent mariées. Elles portent des survêtements à l’occidentale et s’occupent du foyer avec leur mère. Certaines vivent à Mon. La reproduction est très importante pour les Nagas. À tel point que les deux fils célibataires de la famille dorment dans le morung, un bâtiment collectif censé doper l’énergie sexuelle, jusqu’à leurs noces. C’est là que l’on trouve l’imposant tambour sacré sur lequel une douzaine de personnes peut jouer.
© Carnet de voyage de Julie Olagnol à lire dans Numéro 23
Chaque trimestre, recevez dans votre boîte aux lettres de nouveaux carnets de voyages, dans le dernier numéro de la revue Bouts du Monde