Couscous, tapas & compagnie
EXTRAIT :
Tapas
Escale à Béziers sous les pins, tout en haut de la ville. À perte de vue, la plaine de l’Orb. Et derrière, les montagnes – des Pyrénées jusqu’au Caroux. C’est là, sur une petite place, que la fine équipe a déployé sa guinguette multicolore, ni trop ordonnée, ni trop foutraque. Sur les nappes cosmopolites, pas de vaisselle jetable. Souci écologique ou dèche financière, on a rassemblé des monticules d’assiettes dépreillées. Il suffit d’en prendre une et de la garnir des petites choses à manger qui sont proposées. Tendre l’oreille aux langues, aux accents, aux noms et aux prénoms. Dolmas de Dondu, pakoras de Dulena, cheese rolls de Sanam. Alors l’espace étroit de la vieille ville dépasse les montagnes et devient le monde.
Soupes
Réquisition des voitures ! L’atelier-cuisine est de sortie. Les véhicules disponibles sont priés de s’aligner devant le local, culs tournés, coffres béants, prêts pour le ballet des bras chargés. Dans les cagettes en plastique, des tours d’assiettes, de verres et de bols transitent sans trébucher sur les enfants qui jouent dans toutes les langues.
Puis ce sont les plateaux de tapas, les corbeilles de pains et les plateaux de desserts qui circulent à hauteur des petits yeux. Interruption des jeux. Haie d’honneur. Enfin les gamelles de soupe, plus ou moins hermétiquement fermées, plus ou moins bien calées. On se tasse dans les voitures. C’est un peu l’aventure ! Départ pour La Salvetat-sur-Agout, par la route qui tourne. Les moquettes n’en sortiront pas indemnes
Desserts
Dix kilos de légumes : une leçon de patience. Trouver un épluche-légumes dans le petit bazar du tiroir à ustensiles. Repérer un espace libre où poser la grande bassine. S’apercevoir que la lame de l’épluche-légumes est émoussée. Abandonner l’objet à la recherche d’une lame plus fine et revenir bredouille près de la bassine. Vous avez perdu l’accessoire, mais gagné des compagnons d’infortune. Les oignons passent plus vite quand on s’émeut à plusieurs. Il faut des rituels pour traverser de telles matinées. Il y en a plusieurs ici qui rythment le temps. L’accueil échelonné des prêteurs de mains fortes. Le café de 10 heures. Et à partir de 11 heures, goûter les desserts en avant-première. C’est là qu’ils arrivent. Au début vous ne remarquez rien. Vous êtes concentré sur la tâche. Mais peu à peu vos déplacements se font plus chaotiques. Des petites mains saisissent avant vous les biscuits dans les assiettes. La concurrence est rude quand surgissent les enfants.
Chaque recette arrivée à l’atelier a voyagé longtemps avec celui ou celle qui l’a apportée. Elle s’incarne d’abord à travers ses gestes, imités par les autres, voyageurs lointains aussi, qui enseignent les leurs en retour. Ainsi a pu naître ce livre de recettes et cette culture partagée au sein de l’atelier.
La transmission des secrets de cuisine et des tours de main de chacun aux autres, c’est un peu d’ailleurs ce qui existe ici. De la culture qui se transporte, qui réconforte, et comme une famille qui se recompose.
En cuisinant, on parle de soi, on rit beaucoup, on pleure parfois… Il y a des silences aussi. Fulgurants. Les choses qu’on ne peut pas dire, celles qui n’ont pas besoin d’être nommées pour être présentes… Et puis les rires à nouveau.
Qui sont ces héroïnes et ces héros du quotidien qui ont tout traversé, qui luttent encore parfois, et se retrouvent là autour des grandes gamelles, ou derrière les présentoirs bricolés des belles soirées festives de l’atelier ? Certains ont accepté qu’on leur tire le portrait.
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