Des histoires de fantômes
EXTRAIT :
Des vieilles histoires, une cabane abandonnée, des croyances de chaman et des images fantômes resurgies des fonds marins… À Uujuk Kangilek, près de la baie de Disko au Groenland, Jérémy Blahay raconte un monde qu’il imagine en sursis, lui dont la survie n’a tenu qu’à un fil.
Des vieux cartons qui remontent à la surface, voilà comment tout a commencé. Un déménagement, comme beaucoup d’autres, où le passé vous empoigne et dans certains cas trace de nouvelles trajectoires. Léa, ma compagne, redécouvre la bibliothèque de Philippe, son père, qui n’est plus là. Devant tous ces livres étalés au sol, des auteurs, des souvenirs, frappent sa mémoire. C’est un véritable puzzle de connaissances, un monde sensible dans lequel nous nous immergeons mois après mois. Et c’est l’ethnologue danois Jorn Riel qui nous happe. Sa vie, ses racontars arctiques, sa sincérité et sa poésie nous touchent et nous ouvrent un monde insoupçonné : le Groenland et ses habitants les Inuits. Ça me revient. Son ami Paul-Émile Victor et cette première expédition polaire à bord du Pourquoi pas ?
Ces histoires juleverniennes faisaient partie du programme de mon école primaire qui porte le nom du célèbre explorateur français. Ce trop plein de signes a fait naître un désir de voyages, de rencontres avec ce lointain. Une aventure initiatique qui avait d’ores et déjà commencé.
Nous sommes à cinq cent kilomètres au nord du cercle polaire, et nous le sentons. On a cette impression que tout y est filtré pour ne retenir que l’essentiel. Je sens encore cet air pur, et cette lumière vive comme un coup de projecteur sur un nouvel horizon où flottent des monstres blancs.
Nos yeux ne peuvent décrocher du vaste paysage qui s’offre à nous. Nous y évoluons en rythme, les sens en éveil, dans un silence quasi solennel. Bientôt le chemin de randonnée ne sera plus qu’un simple pointillé sur une page. Fascinés par les icebergs et leur fragile symphonie, nous préférons suivre la côte, ses trajectoires libres et hasardeuses. Au bout de plusieurs heures, arrivés à mi-chemin, nos épaules et nos hanches faiblissent.
En dominant la baie, nous observons une grande maison de bois en pleine discussion avec un gigantesque iceberg. Cette première habitation, vide et énigmatique, se trouve à la proue d’un petit fjord dans lequel nous nous enfonçons avec le peu d’énergie qui nous reste. Et c’est là, que nous découvrons, accrochée à une colline, une petite cabane rouge, abandonnée, figée dans le temps.
Le carnet de voyage à découvrir dans Numéro 4242
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