Boris Pivaudran
Carnet de voyage - Bolivie

Des histoires perchées

Pas grand-chose ne semble inquiéter Boris Pivaudran dans la cordillère des Andes. S’il est seul, il trouvera bien un compagnon de cordée. Si le temps est mauvais, il finira bien par changer. S’il a le mal des montagnes, il finira bien par s’acclimater. S’il tombe, il trouvera bien un moyen de se rattraper.

– EXTRAIT –

Lorsque je débarque à La Paz à 3 600 mètres, je n’ai aucune certitude. Là aussi, je suis seul, avec mon sac et mon matériel d’alpinisme « rudimentaire ». Mais surtout avec une grande motivation. Comme toujours le sujet numéro un est de trouver un compagnon de cordée. Je rencontre Roberto, jeune guide bolivien de 27 ans. Il me parle de son projet de traversée sur un des sommets du chaînon de l’Illimani, immense montagne avec plus de six sommets dépassant les 6 000 mètres. Une traversée vraisemblablement jamais parcourue selon lui. Il n’en faut pas plus pour qu’une aventure commence !

Les Boliviens ont autant d’espèces de pommes de terre que nous de fromages. Mais celles que nous mangeons dans un boui-boui pour notre dernier repas civilisé ont un fort goût de cendre ! Pour le reste, les conserves de thon et les feuilles de coca nous tiendront compagnie ces prochains jours. Je viens presque du niveau de la mer et ne suis absolument pas acclimaté. Notre premier bivouac à 4 200 mètres se passe relativement bien. Nous sommes à la frontière entre les pâturages à lamas et la haute montagne. Lors de la deuxième journée, nous prenons pied sur un éperon rocheux, que nous gravissons jusqu’à son faîte. Nous crapahutons dans la caillasse sur 1 200 mètres de dénivelé.

Le contraste entre les imposants glaciers jouxtant de part et d’autre l’éperon, et la roche rougeoyante, captive habilement mon attention pour ne pas que je pense à la nuit à venir. En effet, je commence à payer le prix de mon inacclimatation. J’essaie d’avaler quelques bouchées mais les vomis presque immédiatement. Pendant la nuit, je rendrai la bile à seize reprises, ce qui ne fut pas garant d’un sommeil réparateur. Seul point positif : le froid atténue les odeurs.

Il n’est guère question de sommeil lorsque le réveil sonne vers les 2 h 30 du matin. Nous quittons notre perchoir pour rejoindre un des glaciers sans noms, théâtre d’un long cheminement nocturne – dont je n’ai étonnamment gardé aucun souvenir.

De toute façon il n’est guère question de sommeil lorsque le réveil sonne vers les 2 h 30 du matin. Nous quittons notre perchoir pour rejoindre un des glaciers sans noms, théâtre d’un long cheminement nocturne – dont je n’ai étonnamment gardé aucun souvenir. Nous atteignons le pied d’une face glaciaire à environ 55 °. Nous portons avec nous le matériel de bivouac, les sacs sont lourds. La séance de cramponnage frontal est interminable, je me sens incroyablement diminué. Roberto lui vit toute l’année à 4 100 mètres et fait de la montagne trois cents jours par an. Il galope devant, la corde bien tendue.

Nous finissons par prendre pied sur une magnifique arête cornichée, une antécime, puis encore derrière le vrai sommet, à 6 200 mètres. Je suis soulagé de mettre fin à cette brûlure des jambes et des poumons ! Depuis ce sommet courent encore plusieurs arêtes drapées de corniches vers encore d’autres pics. Les dimensions de ces montagnes sont sans commune mesure avec ce que j’ai pu côtoyer dans les Alpes.

Mais à peine le temps d’une accolade, qu’il faut redescendre. Nous descendons à vue dans des pentes de neige suspendues en direction d’une cuvette glaciaire. La concentration est maximale : entre les crevasses et les risques d’avalanche, nos sens sont aux aguets. Surtout que nous nous aventurons dans un terrain inexploré. La cuvette se finit en à-pic. En quatre rappels sur abalakofs, nous descendons un sérac vertical sur plus de cent mètres de haut. Formidable masse glaciaire. Nous sommes conscients de notre position précaire, comme vient nous le rappeler un gros bloc détaché du sérac, et chutant vers nous. A la faveur d’un impact le bloc de glace se sépare en deux au-dessus de notre relais, un nouveau bloc filant en chute libre à notre gauche et un autre à notre droite.

Carnet de voyage de Boris Pivaudran à découvrir dans Numéro 50

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