Deux mille kilomètres de pampa jusqu’à Villazón
-EXTRAIT-
De Santa Fe, je dois rejoindre Córdoba à quatre cents kilomètres. J’attends mon hôte-mobile au bord d’une deux-voies, sur une bande d’arrêts d’urgence encombrée de détritus. Lors d’un moment de lucidité, je prends conscience de ce que je suis en train de réaliser… Mais quelle folie ! Un sentiment jouissif d’indépendance, de liberté et de légèreté s’empare de moi. Au bord de cette route, les cheveux au vent, la musique de Woodstock dans les oreilles, je danse seul trois heures durant. La nuit va bientôt tomber, je ne sais pas où dormir, mais je m’en fiche. Aujourd’hui je suis léger comme une plume.
Edouardo me conte ses histoires tout en écoutant la mienne. Je lui demande s’il y a un hôtel dans la prochaine ville. Il me propose de m’héberger : « Et demain midi, on fera un barbecue avec toute la famille. Tu vas goûter notre bonne viande d’Argentine ».
« Sois heureux sans raison et des choses positives t’arriveront », cette philosophie de vie apprise en Inde me suit jusqu’ici. Edouardo s’arrête. Ce cinquantenaire souriant, ventru, aux cheveux ondulés, au visage rond et aux pommettes joufflues est artisan bijoutier. Il y a trente ans, il a traversé l’Amérique latine en auto-stop, de l’Argentine au Mexique. À son tour de rendre la pareille. Il me conte ses histoires tout en écoutant la mienne. Je lui demande s’il y a un hôtel dans la prochaine ville. Il me propose de m’héberger : « Et demain midi on fera un barbecue avec toute la famille. Tu vas goûter notre bonne viande d’Argentine ».
Je dors dans la petite ville de San Francisco où résident Edouardo, sa femme et leurs deux enfants. Ils n’ont pas beaucoup de ressources, mais un cœur gros comme une citrouille géante. L’argent leur importe peu, ils préfèrent passer du temps avec leur famille, travailler de façon artisanale et être indépendants pour voyager. Le soir, nous échangeons dans leur petite cuisine. Avec mes photos de voyage, je partage un peu de rêve et de dépaysement. C’est tout ce que j’ai à offrir. Je dors sur un petit matelas installé à l’entrée. Avant de repartir, Edouardo m’offre un jean et trois pulls chauds : « Tu n’as rien à te mettre sur le dos ! Il fait froid dans le Nord de l’Argentine ». C’est une belle leçon d’humilité que m’offre la vie.
Des Edouardo, il en existe des millions sur terre. Voyager en auto-stop, c’est se donner les moyens de rencontrer ces belles personnes et partager leur quotidien. Après une franche accolade, je repars sur la route et arrive quelques heures plus tard à Cordoba.
Carnet de voyage en Argentine de Nicolas Breton à découvrir dans Bouts du monde 59
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