Et soudain apparut l’Endurance
– EXTRAIT –
On ne s’attendait pas à ça : « L’Endurance, elle est encore plus belle que la Licorne de Tintin », s’enthousiasme Nicolas Vincent. Sans doute parce que le destin de l’expédition de Sir Ernest Shackleton, qui a vu le bateau d’exploration polaire brisé par les glaces avant de sombrer des mois plus tard dans la mer de Weddell en Antarctique en 1915, comporte tout ce qui nourrit les rêves d’enfants avides d’incroyables aventures. Il suffit de leur raconter l’histoire, et les voilà qui transforment leur lit en fabuleux trois-mâts, avec des coussins en guise de canot de sauvetage, une peluche qui s’occuperait de mettre la barre à bâbord ; pour le gouvernail, un petit râteau en plastique fera l’affaire. Il ne restera plus qu’à hisser la grand-voile.
« Shackleton, son plus grand succès, c’est d’avoir toujours échoué. Mais échoué avec panache. Mon histoire, elle est pareille »
C’est avec un autre genre d’embarcation que s’est « amusé » Nicolas Vincent, chercheur d’épaves au sein de Deep Ocean Search, en 2022. Baptisé Ellie, cet autonomous underwater vehicle (AUV) a réussi l’exploit de localiser l’épave de l’Endurance, dans le cadre de la plus grande expédition polaire gouvernementale de tous les temps. « C’était l’épave la plus difficile du monde à retrouver. Rien que l’accès au site est impossible. Nous avions 10% de chance d’arriver à la verticale du lieu du naufrage », explique-t-il. « A titre de comparaison, il était techniquement plus simple d’aller sur la Lune, à 385 000 kilomètres de là, que de descendre à 3 000 mètres de profondeur, dans une eau à – 1,8 °C, recouverte d’une banquise dérivant de quinze kilomètres par jour », complète Jean-Christophe Caillens, chef de l’expédition « Endurance 2022 », dans le livre Mémoires poétiques d’explorateurs (2024, édition Les Belles Lettres).
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Il en a fallu de l’abnégation pour toucher au but. « Shackleton, son plus grand succès, c’est d’avoir toujours échoué. Mais échoué avec panache. Mon histoire, elle est pareille », raconte Nicolas Vincent. La mission de 2013 a dû être abandonnée, faute de financement. Celle de 2019 échoue. « Nous avions fait les choix technologiques les plus exigeants, avec un drône sous-marin qui était une Formule 1 des mers. Mais nous avons perdu le contact avec l’appareil. Il nous fallait un 4×4 ». Remettre l’ouvrage sur le métier. Reprendre les calculs. Améliorer les capteurs. Nicolas Vincent imagine, cherche et construit la solution trois années durant. Et appareille à nouveau en 2022 depuis Cape Town en Afrique du Sud, en direction de « la pire portion de la pire mer qui soit » comme avait dit Ernest Shackleton à son équipage. « L’Enduranceet Shackleton, c’est une histoire de dérive. On a eu les mêmes problèmes qu’eux » précise Nicolas Vincent.
Récit à découvrir dans Numéro 61
William Mauxion
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