Le cimetière des éléphants
C’est en préparant notre voyage que nous apprenons que la ligne ne fonctionne plus depuis 2008. Malgré les annonces régulières de remise en service, rien ne semble bouger. On ne traversera pas, de nuit et lancé à « vive » allure (avec des pointes à 50 kilomètres/heure !), le territoire Afar qui était devenu le théâtre d’attaques en règle du train par des pirates et des brigands de tout poil (d’où la présence de militaires en armes dans chacune des voitures). Mais passée la frustration de ne pas pouvoir emprunter cette ligne mythique, l’envie était forte d’aller voir de plus près ce qu’étaient advenues ces voitures et locomotives mises au rebut en attendant l’arrivée de financements nécessaires à une remise en état. Ce que nous fîmes donc, au gré d’une halte à Dire Daoua, la grande ville de l’Est, qui fait la jonction entre la partie chrétienne orthodoxe du pays et la partie musulmane. La ville constitue la dernière grande étape avant de poursuivre vers la dépression des Danakils (123 mètres sous le niveau de la mer, un des déserts les plus inhospitaliers au monde) dans le triangle des Afars, puis vers la Somalie si l’on oublie de remonter vers Djibouti.
La gare de Dire Daoua, discrète et vaguement cachée derrière des arbres, au fond d’une place vide, balayée par les vents (et par la pluie, ce jour là) est nettement moins belle et prestigieuse que sa sœur d’Addis-Abeba : elle n’était à la grande époque qu’une étape du voyage. Mais on a privilégié juste à côté la construction du centre technique, où locomotives et voitures de passagers et de marchandises sont entretenues, révisées, réparées. Pourtant, au-dessus de la porte principale, un panneau révèle que le pays se rêve à la tête d’un « train à grande vitesse », aux formes aérodynamiques. Face aux voitures délabrées, aux wagons à bestiaux tout droit sortis d’un western ou d’un film d’époque, qui sont pour le moment la seule réalité de cette ligne hors service, cette image aux formes profilées fait figure de vaisseau spatial…
Carnet de voyage de Guillaume Bourreau à découvrir dans la revue Bouts du monde n°24.
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