Faire le zouave sur des ruines - Pascal Mongne
Carnet de voyage - Afghanistan

Faire le zouave sur des ruines

Enfant, Pascal Mongne a appris qu’existait un métier qui consistait à étudier les ruines. Ainsi se scelle un destin : il sera archéologue. Depuis cinquante ans, il mène des campagnes en Amérique du Sud, en Asie centrale ou au Moyen-Orient. En balayant d’un regard l’ensemble de sa carrière, il nous vient à nous aussi l’idée de faire le zouave sur des chantiers de fouille.

-EXTRAIT-

La nuée de moineaux en culotte courte vient de se répandre dans la rue de Navarre, débordant à grands cris les trottoirs étroits. Pendant presqu’une heure, ils ont été bridés par l’institutrice. Durant un long moment, muets puisqu’il le faut mais également fascinés par le récit du jour, ils ont écouté Madame Coqueret dont la passion, outre le remplissage des chères têtes blondes, est l’histoire et l’art du passé. Cette semaine, la classe-promenade était consacrée aux arènes de Lutèce. Mais maintenant, place à la détente : et l’on se pousse, et l’on se bat avec des glaives imaginaires et l’on meurt sous l’imposition d’un pouce retourné… L’une de ces victimes se relève cependant et s’approche, visiblement impressionnée par l’audace de sa question :
« Madame, quel est le métier qui étudie les ruines ?
– On appelle cela l’archéologie.
– Alors je serai archéologue… »
En ce jeudi de novembre 1963, un gladiateur de 10 ans venait de prêter un bien curieux serment. C’est l’auteur de ces lignes.

« Madame, quel est le métier qui étudie les ruines ?
– On appelle cela l’archéologie.
– Alors je serai archéologue… »
En ce jeudi de novembre 1963, un gladiateur de 10 ans venait de prêter un bien curieux serment. C’est l’auteur de ces lignes.

Mais les rêves d’enfant tardent parfois à se concrétiser et prennent souvent des chemins particuliers ; ceux de lectures dont on ne peut pas dire qu’elles sont du plus grand sérieux. Où il est question de mystères insondables, de grands Initiés, de petits bonshommes verts au fond de pyramides ; textes dont l’invraisemblable variété ne semble rassemblée que par un point commun : cultiver l’inconnu plutôt que d’en faire reculer les limites. La fascination mêlée au rejet d’hier a fait place aujourd’hui à une véritable nostalgie presque bienveillante devant l’imagination débridée de certains auteurs, leur don d’inventivité et, il faut bien reconnaître, une certaine qualité d’écriture. Ce que Jean-Pierre Adam a dénommé « archéomanie » fait indéniablement partie de l’histoire de l’archéologie.

Cependant, la rencontre véritable avec l’archéologie, n’aura lieu que plus tard, une fois les portes de l’Université franchies. Ce sera donc celle du terrain, des campements sommaires, de la gadoue et des gravats, des brouettes trop chargées, des blagues de chantier tout aussi pesantes et dont beaucoup d’entre nous sont si friands, sans jamais l’avouer. Fouilles imposées par les cursus académiques et quelquefois bien loin de nos orientations ; ou fouilles choisies sans grand lien avec la logique, au hasard des occasions et des possibilités financières (Il arrivait fréquemment qu’une « participation » soit réclamée au postulant plein de bonne volonté). Fouilles bien entendu menées en France et de préférence non loin d’un logis familial ou ami.

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