Gloire et déboire au pays de Confucius
– EXTRAIT –
Un peu de rétropédalage : dans les années 2000, la Chine semble être le dernier pays où j’ai envie de mettre les pieds – ce gouvernement qui a lancé les chars contre ses propres enfants ! Mais le destin me fait une pirouette : je rencontre une Chinoise. Elle me lit de la poésie ancienne, cuisine des raviolis, m’administre un massage… Jolie, intelligente, énergique, aimante. C’en est fait de moi. Nous nous choisissons. Je commence à apprendre le mandarin. Début de mon masochisme… En 2000, le premier voyage en Chine avec L. (Pékin, Xian, le Yunnan) est simplement extraordinaire. Quel peuple jovial ! Quelle débrouillardise ! Quelle cuisine ! Quelles montagnes ! Dans ce pays, malgré les tares du régime, je me sens étrangement peu étranger. J’étudie la peinture chinoise, découvre sa poésie, explore le tao, la littérature et le cinéma chinois. De 2000 à 2010, nous effectuons cinq voyages qui me débrident les yeux et le cœur, accoucheront de plusieurs bouquins…
Au sommet de l’État, on se gargarise de « société harmonieuse » et autres euphémismes répugnants dans un monde où les manifs sont quotidiennes, les cancers et les suicides en hausse constante
La Chine qui s’ouvre est devenue mon second pays. Ce sont des années de « libéralisation du régime », dirait-on. C’est le règne de Hu Jintao, élu « personnalité la plus influente du monde » par le magazine Forbes. Au sommet de l’État, on se gargarise de « société harmonieuse » et autres euphémismes répugnants dans un monde où les manifs sont quotidiennes, les cancers et les suicides en hausse constante et les inégalités en plein essor. Corruption et pollution sont les plus flagrants des fléaux de l’Empire du Milieu. Mais les observateurs notent des avancées, pour les paysans notamment. Et les artistes ! La scène artistique pékinoise est palpitante.
Les frères Gao sculptent en bronze massif L’exécution du Christ par sept militaires. Wen Fang imprime des centaines de visages de mingongs (travailleurs migrants) sur des briques grises. He Yunchang, l’artiste le plus dérangeant de Chine, se fait opérer en public sans raison médicale, laissant la cicatrice pour Un mètre de démocratie, une œuvre d’une puissance insupportable. Yu Hua publie l’ébouriffant Brothers… Et les tee-shirts de midinettes arborent des LIFE IS FUN… Je ramène des moissons de carnets de voyage de ce pays démesuré. En 2010, nous faisons un voyage énorme à Xian avec les Carnettistes Tribulants, organisé par ma femme, d’où naîtra Gratte-ciel et soupe de nouilles.
Soudain, en 2011, grâce à l’entremise d’un ami du Shandong, on me propose d’exposer à Jinan, la capitale de cette région située au sud-est de Pékin. Hourra ! Quelle aubaine. Une vraie aventure, exposer à huit mille kilomètres de Paris, un voyage dans le voyage. Hourra, vraiment ? Panique à bord : j’ai deux mois pour préparer une exposition « grandiose » prévue au Musée des Beaux-Arts. C’est la ville qui m’invite. Excité par cette perspective, je suis loin de me douter de ce qui m’attend.
Carnet de voyage de Jean-Yves Simon à découvrir dans la revue Bouts du monde Numéro 53
Chaque trimestre, recevez dans votre boîte aux lettres de nouveaux carnets de voyages, dans le dernier numéro de la revue Bouts du Monde