Carnet de voyage de Linda Bortoletto - Les gardiennes du Zanskar
Carnet de voyage - Inde

Les gardiennes du Zanskar

Pendant deux mois, piégée par l’hiver, Linda Bortoletto est restée bloquée dans la nonnerie de Pichu au Zanskar. La voyageuse aurait d’abord voulu que la neige cesse rapidement pour rejoindre la vallée. Mais autour du poêle où se consumaient lentement les bouses de yaks, elle a fini par s’accommoder du temps qui s’écoulait lentement, au son des mantras de ses amies Yangskit et Abi Lobsang.

– EXTRAIT –

Lors de mon arrivée au Zanskar, seule une fine pellicule recouvrait à peine le sol. C’était il y a deux mois, début janvier 2015, juste avant que l’accès par le Chadar ne soit formellement interdit. « Hauts risques d’inondations » avait décrété le gouvernement indien suite à un éboulement important à hauteur de Phuktal. J’avais remonté la rivière gelée et mes pas avaient appris à apprivoiser la glace. Ma démarche franche et parfois brusque s’était muée en un glissement habile, attentif aux moindres variations du sol. Une seconde d’inattention conduisait à la chute sur une surface aussi dure que le roc. Devant moi, les Zanskaris filaient aussi vite qu’ils le pouvaient. Tractant leur traîneau derrière eux, ils n’avaient qu’une chose en tête : retrouver leur famille. Quelquefois, l’un d’entre eux m’attendait. Nous faisions alors une halte sous la protection des imposantes façades rocheuses qui nous entouraient.

Mon rêve de vivre un hiver dans l’Himalaya était teinté de nuances blanches. Mais lorsque les montagnes s’écartèrent et que le Zanskar se découvrit à moi, tout n’était que pierres et poussière.

« Tu vas dans quel village ?

– Je compte rester deux mois dans la nonnerie de Pichu. Je vais donner des cours d’anglais en échange de l’hospitalité des nonnes.

– Deux mois ? C’est un long séjour ! Elles vont être heureuses de t’accueillir. La vie en hiver est rude et difficile. Et elles ne sont pas nombreuses. Peut-être huit ou neuf. Tu pourras les aider. »

À l’approche de la route en construction qui signalait le début de la vallée, mes pas s’attendaient à s’enfoncer dans la neige. Mon rêve de vivre un hiver dans l’Himalaya était teinté de nuances blanches. Mais lorsque les montagnes s’écartèrent et que le Zanskar se découvrit à moi, tout n’était que pierres et poussière. J’étais entourée de nuances fauves. Une légère déception accompagna ce constat. Au fond, j’avais souhaité cette neige qui m’empêchait désormais de repartir.

Carnet de voyage en Himalaya de Linda Bortoletto dans Bouts du monde n° 23.

à découvrir aussi

Vincent Desplanche

Dessiner sous les cimes

par Vincent Desplanche

S’il avait été contemporain de Franz Schrader, Vincent Desplanche l’aurait certainement accompagné sur les pentes des Pyrénées où le géographe entreprit, au XIXesiècle, de cartographier Gavarnie, le mont Perdu ou l’Aneto. Aujourd’hui, il ne glisse pas d’orographe dans son sac à dos, mais des carnets à dessin qui grandissent au fur et à mesure qu’il…

Carnettiste - Sonia Privat - Inde - Bouts du monde

L’Inde est belle à n’y rien comprendre

par Sonia Privat

L’Inde peut bien compter des millions de dieux et une spiritualité exubérante, elle ne s’embarrasse pas avec la condition de la femme. Souvent Sonia Privat n’a pas aimé, n’a pas compris, a zappé.  – EXTRAIT – L’Inde n’est pas une contrée exotique où les pétales de rose tombent du ciel bleu outremer sous l’œil goguenard…