Inde : do you play cricket ?
– EXTRAIT –
Pour un pays d’un milliard d’habitants, le constat est cruel : deux médailles en moyenne, parfois zéro, parfois quatre. Dans l’avion vers Mumbai, le jeu consiste à soupeser les hypothèses qui expliqueraient une telle lose. Il y a celle du petit blanc bien nourri : des tas d’Indiens pratiquent des activités sportives mais sont super zen à force de fréquenter les ashrams, donc ne se soucient pas de gagner.
Autre théorie : Les Indiens ne mangent pas de viande et manquent d’agressivité (j’ai entendu ça, alors j’ai vérifié). «Allez voir à Dharavi (le plus grand bidonville d’Asie situé à Mumbai, si les Indiens ne sont pas cogneurs », m’a répondu un journaliste localier au tout début de cette enquête.
Autre possible : ils sont bons dans des sports dont le monde entier se tamponne, ou ne comprend pas, comme le cricket, un sport dont six mois d’observation ne m’ont pas permis de comprendre les règles et encore moins l’intérêt.
Première mission : trouver des stades et des sportifs. Le hasard me fait entrer dans deux boutiques qui distribuent des articles de sport, commerces égarés au milieu d’un quartier de Madurai dédié à la plomberie et aux carrelages. Dans la première, les nombreux vendeurs s’affairent à déballer des cartons. Je n’ose pas les déranger, situation qui semble leur convenir. Tour des rayons : jeux de table, d’échecs, trophées, équipements de cricket.
Dans la boutique voisine, le patron est un peu plus causant : il évoque quelques grands champions d’athlétisme et de football, puis zappe vers le cricket. Son visage s’éclaire, rien de tel qu’un bon vieux Inde/Pakistan, une rencontre qui a au moins un bon côté, selon lui : pendant que les nationalistes hindouistes et musulmans tapent dans la balle et courent après, ils ne fomentent pas l’extermination du frère ennemi.
Je quitte la rue, ravi de cette rencontre pittoresque, mais sans la moindre adresse d’un espace de jeu : des boutiques d’articles de sport dans lesquelles pas un vendeur, dont c’est pourtant un peu le boulot, ne sait situer un lieu où pourraient être utilisés les accessoires qu’il vend, voilà bien un morceau d’Inde, surprenant pour le blanc-bec, banal d’après l’autochtone.
Le hasard peut être un allié si l’on veut bien lui tapoter l’épaule : c’est au bureau de change où je me rends le lendemain qu’une femme sans âge à l’activité athlétique insoupçonnable m’indique un espace dédié au jeu, en périphérie de la ville. Le trouver sera l’ambition de la journée : en Inde, on apprend à se contenter d’un objectif, même modeste, les accumuler est présomptueux, source de frustration et de grande fatigue.
Carnet de voyage de Cédric Mané à découvrir dans Bouts du monde n°17
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