Rina - Algérie - Bouts du monde
Carnet de voyage en Algérie

Kabylie nostalgie

L’aventure se situe où on la place. Pour les enfants, Nil (7 ans) et Salem (4 ans), elle débutera avec la traversée maritime de la Méditerranée ; maman y a croisé autrefois dauphins et cachalots. Pour elle, Rina, l’aventure sera la cohabitation de trois générations. Pour papi, ce sera de retrouver un lieu et ses hôtes.

EXTRAIT :

Nous quittons le centre de la ville. Depuis la fenêtre de la voiture, j’observe un urbanisme dément, du béton en construction partout le long de larges artères. Nous longeons une côte dont on ne voit plus la mer. On construit, king size, d’énormes cités et de très hauts immeubles, et ce dans la périphérie de toutes les villes algériennes. Il faut parer à la nécessité, un million de naissances annuelles et toujours des bidonvilles. Le chantier de la future mosquée d’El Djazair dresse une haute tour de fierté, ce minaret surmonté d’une grue culminera à 265 mètres, « le plus haut du monde », s’enorgueillit-on. Nous nous arrêtons à la station de Bordj el Kiffan, mes parents échangent le souvenir d’un lieu retiré et coquet que la ville a aujourd’hui dévoré. Le fort, photographié par Yann Arthus-Bertrand, tombe en délabrement. 

Nous visitons Alger et inaugurons les rutilants transports en commun. Les enfants non urbains descendent l’escalator en courant et en slalomant dans la foule. A la sortie du métro, nous n’avons pas le temps de consulter un plan que l’on se précipite pour nous renseigner et que les indications pleuvent. Il n’y a pas de touristes étrangers et ceux qui aiment à les aborder nous font fête. 

Au musée des Beaux-Arts d’Alger, nous admirons les collections du temps passé. Les orientalistes peignaient la Casbah, les patios, les Algériens dans leur habit traditionnel :  bijoux tribaux, vêtements brodés, visages tatoués ; c’est à cela que ma grand-mère berbère ressemblait. Les gens sont beaux, la nature est vierge. Peintures de Dinet, récits de bonheur : bain de femmes rieuses à la rivière immaculée, complicité d’amoureux dans le décor d’idylle de l’oasis. L’ombre est diaprée de soleil. 

Les vieux quartiers d’Alger, d’histoire et de sophistication : tarte à la crème haussmannienne et maurescorococo. Air marin et patine du temps : peintures écaillées, matières altérées. Un immeuble est tombé, un panneau projette des appartements standing ou un siège d’entreprise. Une procession piétine le macadam, ce sont les soldes. Alger de blanc et de bleu, de chaux et de Méditerranée. Les silhouettes blanches, ton sur ton des vieilles photographies qu’un coup de grisou a noircies, révèlent un présent de contraste et de négatif. 

Tandis que le vieux dinandier de la Casbah déplore d’être le dernier, tous ces arts seront-ils oubliés ?

Le centre d’Alger comme sa périphérie est un vaste chantier ; la Casbah, patrimoine de notre humanité, tombe en ruine ; une société turque restaure avec grand soin la vieille mosquée ottomane, les Chinois bardent leur chantier d’une signalétique mandarine. Ballet des grues et ronde des tractopelles. Le palais du Raïs, corsaire de cultures, abrite une exposition intitulée « Jardins d’Alger ». Nous parcourons un labyrinthe d’escaliers et de petites pièces ouvrant sur des patios : percée du ciel sur le jardinet intérieur, jasmin grimpant, oiseaux virevoltants dans les colonnades, chant de l’eau de la fontaine. Céramiques, mosaïques, meubles peints d’arabesques colorées, bois tourné, lanternes de cuivre ciselé, moucharabiehs, colonnes de marbre ouvragé, gypse gravé de calligraphies : quel déploiement d’artisanat ! Tandis que le vieux dinandier de la Casbah déplore d’être le dernier, tous ces arts seront-ils oubliés ? Au jardin d’Essai, Salem arpente les parterres craquants de feuilles mortes et collecte des plumes ; il en brandit une d’un vert vif : « C’est une plume de perroquet, j’ai vu l’oiseau dans les branches ! ». Les Algériens se passionnent pour les oiseaux en cage ; matin et soir, ils sortent les petites bêtes colorées et bondissantes, exhibition gracieuse et mélodieuse.

Carnet de voyage de Rina à découvrir dans Bouts du monde 46

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