Stefano Faravelli - Kashgar ou les vestiges d'un monde
Carnet de voyage - Chine

Kashgar ou les vestiges d’un monde

Stefano Faravelli n’a pas voulu nous confier le texte sur Kashgar qu’il avait écrit en 2001. À quoi bon, dit-il, alors que la mythique cité ouïghoure, au carrefour des routes de la Soie, subit depuis les assauts de la colonisation chinoise, à grands coups de bulldozers et de mises au pas. La vieille ville a disparu et les dessins de son petit carnet de voyage racontent les vestiges d’un monde en train de perdre la bataille.

– EXTRAIT – 

Il ne retournera pas à Kashgar. « Ce serait trop douloureux », confie Stefano Faravelli, carnettiste italien qui dessina, en 2001, ce carrefour mythique des routes de la Soie, parcourant les allées de son impressionnant marché à bestiaux, déambulant dans les ruelles de la vieille ville, dessinant les murs jaunes de la vieille mosquée de Kashgar, surmontée alors par la demi-lune et l’étoile. « Est-elle toujours en place ? », interroge Stefano, évoquant des autoroutes qui éventrent aujourd’hui les ruelles de la vieille Kashgar.

 « Le petit carnet » de Stefano Faravelli mesure neuf centimètres sur quinze. « Mon petit objet », dit parfois Stefano Faravelli en le décrivant. Quand il se déplie, le voilà qui s’étale sur près de deux mètres, une longueur suffisante pour dessiner les détails, souligner les nuances, mettre en valeur une culture. Il raconte quelques jours à Kashgar. Une semaine au carrefour de toutes les routes de la Soie, escale d’une semaine lors d’un voyage au long cours à travers la Chine. « Mon petit accordéon d’une semaine à Kashgar est le témoignage d’un monde qui est fini » regrette le carnettiste italien. « C’est aussi comme une machine à remonter le temps ».

Les planches de dessin de Stefano Faravelli racontent cette Kashgar millénaire. Elles en disent bien plus que les attractions touristiques organisées alors en guise de « survivance ethnique ».

Alors il faut l’ouvrir. Sur la première page, Stefano a collé une feuille de peuplier, arbre iconique des routes de la Soie. Le peintre orientaliste y a vu un symbole : « La feuille du peuplier présente un côté sec, un autre plus humide. Ce sont les deux visages de Kashgar : le visage chinois, sec ; et le visage ouïghour, humide ». Un moyen symbolique, raconte-t-il, de représenter « l’iniquité de la ville ».

Derrière le symbole, existe une réalité qui a frappé Stefano Faravelli dès 2001, quand il se promenait dans les ruelles de Kashgar : la destruction progressive des bâtiments anciens, l’abandon des cimetières soufis. « Il arrivait beaucoup de Hans tous les jours. C’est la présence constante d’une colonisation silencieuse, mais il n’y avait pas de persécution ethnique. Beaucoup de magasins étaient rachetés pas des Chinois, on bâtissait des autoroutes sur les ruelles de la vieille Kashgar ».

Les planches de dessin de Stefano Faravelli racontent cette Kashgar millénaire. Elles en disent bien plus que les attractions touristiques organisées alors en guise de « survivance ethnique » que décrit Stefano. « On pouvait voir des spectacles de danses traditionnelles avec des femmes en habit ouïghour, il était possible aussi d’entrer dans les mosquées, se souvient-il. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. Entre 2016 et 2019, entre 10 000 et 15 000 mosquées ou sanctuaires soufis ont été détruits » dans le Xinjiang.

Carnet de voyage de Stefano Faravelli à découvrir dans Bouts du monde 56

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