
Emporté par la foule de la Kumbh Mela
– EXTRAIT –
Le pied gauche sur le marchepied du train, la jambe droite dans le vide, je regarde le gravier blanc défiler sous moi entre les traverses.
Je suis accroché d’une main à la barre verticale longeant la portière, de l’autre aux barreaux de la fenêtre du compartiment. Mon sac à dos, en tirant sur mes épaules, m’invite à succomber à l’appel du talus.
Une foule compacte, débordant par toutes les ouvertures, m’empêche de rentrer plus avant dans la wagon. Katie a eu plus de chance, elle a pu s’engouffrer entre deux âmes charitables, qui ont hissé son sac à dos en équilibre au-dessus des têtes moustachues et souriantes des autres passagers.
Je ne la vois pas, mais je sais qu’elle peut m’entendre par dessus le cri des rails et du vent.
« I might fall quite soon, you know.
– Come on ! Be tough ! Be a man ! »
Au temps pour la compassion féminine. Je m’accroche. Il y a des ascètes qui se sont tenus sur une jambe pendant des décennies, ou qui ont dormi debout toute leur vie. Je survivrai bien à une demi-heure d’acrobatie sur rails.
Mais si je n’avais pas tant besoin des dieux hindous pour m’éviter la chute, je les maudirais bien – car ce sont eux qui sont à l’origine de ce voyage, plus encore que de tous les autres.
Carnet de voyage durant la Kumbh Mela de Julien Fortin à découvrir dans Numéro 5.
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