Carnet de voyage de Romain Meffre & Yves Marchand à Détroit - L'Amérique en ruines

L’Amérique en ruines

Que s’est-il passé à Détroit ? Celle qui fut la quatrième ville des États-Unis a perdu un million d’habitants en trente ans. Commerces, appartements, théâtres et grands hôtels ne sont plus que les témoins d’une gloire passée. Dans les années 1950, Détroit, est la capitale mondiale de l’automobile avec Ford, Cadillac, General Motors. En 1967, de violentes émeutes raciales déchirent la ville. Effrayées par cette main-d’œuvre rebelle, les usines ferment, et la population déserte. Fascinés par cette histoire contemporaine, Yves Marchand et Romain Meffre sont retournés plusieurs fois à Détroit, pour figer l’âme de ce que fut Motor City.

– EXTRAIT –

En octobre 2005, cela faisait déjà quatre ans que l’on visitait des ruines régulièrement, en France, en Belgique, en Angleterre, en Espagne, à la recherche d’édifices oubliés. Mais à l’époque les usines Renault de l’île Seguin sont en démolition, Les Grands Moulins du XIIIe arrondissement de Paris en pleine reconversion, les grands charbonnages du bassin minier wallon se font bousiller… Bref, les ruines modernes les plus emblématiques disparaissent du paysage. On avait déjà l’impression d’être arrivé trop tard, de se contenter des miettes de ce qui avait pu exister, loin du temps où la gare d’Orsay, la grande galerie du jardin des plantes pourrissaient tranquillement dans une absence totale de vandalisme. Mais il y a Détroit.

En France, la ville sonne comme la capitale de l’automobile américaine et le berceau de la musique techno, c’est à peu près tout. Pour ceux qui pensent savoir, les Américains surtout, Motor City cumule les superlatifs parfois gênants : ville la plus pauvre, ville la plus black, ville dont le réseau routier est le plus défoncé, et ville au taux de criminalité le plus élevé des États-Unis (…)

En France, la ville sonne comme la capitale de l’automobile américaine et le berceau de la musique techno, c’est à peu près tout. Pour ceux qui pensent savoir, les Américains surtout, Motor City cumule les superlatifs parfois gênants : ville la plus pauvre, ville la plus black, ville dont le réseau routier est le plus défoncé, et ville au taux de criminalité le plus élevé des États-Unis, titre qu’elle se dispute régulièrement avec d’autres comme Washington DC ou encore Gary. C’est enfin le symbole national du déclin industriel et urbain.

C’est la première fois que l’on va prendre l’avion et partir aussi loin pour dédier un séjour exclusivement à la photographie de lieux à l’abandon. Il y a donc un certain enjeu pour nous, et pas mal d’appréhensions. Il faut dire que même si nous avons une expérience en exploration urbaine, on arrive quand même la tête pleine de préjugés forgés par des années de fiction américaine et de docus qui finiraient par rendre parano l’esprit le plus avisé. Avec en arrière-pensée les clichés habituels, comme les repaires de squatteurs, de toxicos vivant à la cave… c’est désolant de constater ce qui forge une opinion. Pourtant, durant les quatre années de séjours successifs qui allaient suivre, nous ne ferons jamais de mauvaise.

Carnet de voyage à Détroit par Yves Marchand & Romain Meffre à lire dans Bouts du monde n°3.

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