Une cabane au Canada
– EXTRAIT –
Route 335 nord. Mes deux mains accrochées sur le volant de la voiture de location me rappellent à quel point le défilé derrière la vitre m’avait manqué.
En sortant de Montréal, mon cœur s’emballe comme une machine à laver bien trop vieille dont le rythme hante le sous-sol de certaines maisons. Laval, Terrebonne, Saint-Lin Laurentides, Saint-Julienne, les chutes de Dorwin à Rawdon, autant de noms dont la banalité me semble tout à coup féérique.
Le coulis torrentueux des rivières qu’on longe, les lacs en partie gelés imitant partiellement le ciel, les envolées d’oiseaux au-dessus du capot, ces virages qui dissimulent des trésors et ces odeurs de sapin du grand nord, sont une bouffée d’oxygène saisissante, immédiate, presqu’aussi foudroyante qu’une fourchette sur une tente en plein orage.
L’émerveillement est à portée de vue et se nourrit de chaque kilomètre, comme un gamin un peu morfal qui aurait pris ses aises devant le frigo. Ici, appelons-ça la gloutonnerie de la beauté. L’excitation envahit l’habitacle restreint du véhicule aussi rapidement que la buée dans une salle de bain. Les présentateurs radio font des pirouettes avec leurs fins de phrases et discutent de l’arrivée imminente de la neige dans cette partie reculée du Québec.
Carnet de voyage d’Elisa Routa, à découvrir dans Numéro 31
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