La jungle de Calais, ville éphémère
– EXTRAIT –
Eté 2016. Je passe à vélo devant les CRS qui me suivent du regard d’un air incrédule, ils gardent l’entrée du « plus grand bidonville d’Europe ». Cela fait quelques mois que je viens ici, rendre régulièrement visite aux habitants de ce quartier si particulier, la Jungle de Calais. Aujourd’hui c’est un jour spécial : un de nos amis a obtenu ses papiers après des mois d’attente, alors une fête s’organise.
J’emprunte le chemin des Dunes, une petite route récemment goudronnée, bordée de végétation. On dirait la rue passante d’une ville africaine, des personnes portent à bout de bras des sacs remplis de courses et des jerricanes d’eau. Un ballon dégonflé rebondit dans ma direction, je parviens à le renvoyer en gesticulant maladroitement, faisant rire un trio de jeunes hommes accroupis sur la dune qui surplombe la route.
Ici, plus rien n’indique que nous sommes encore en France, c’est un pays qui accueille ceux dont personne ne veut. Un pays sans roi ni président. A ma gauche, les cabanes se serrent les unes contre les autres. Un vieil homme assis à l’ombre sur une chaise de camping en plastique me regarde passer, nos regards se croisent. « Al salam aleykum ».
Ici, c’est l’extravagante cabane de Mohamad Ali qui en marque l’entrée : elle rayonne, toute dorée, recouverte de couvertures de survie et de guirlandes
Je m’arrête à la hauteur d’une cabane à la devanture peinte de motifs colorés. Sur le bord de la fenêtre sont exposés des pendentifs aux formes de l’Afghanistan, des canettes de sodas, des objets aux couleurs du drapeau national, des cigarettes artisanales, des paquets de chips en tout petit format, des T-shirts et des joggings neufs. Derrière cette cabane, un groupe de visages familiers est enfoncé dans un canapé posé dehors sur un tapis.
C’est l’entrée d’un « village » posé sur le sable de la côte d’Opale. Dans cette jungle, chaque groupe s’est organisé en îlot, souvent autour d’une cuisine partagée. Ici, c’est l’extravagante cabane de Mohamad Ali qui en marque l’entrée : elle rayonne, toute dorée, recouverte de couvertures de survie et de guirlandes. Une véritable œuvre d’art brut, dont l’intérieur est tout aussi original. « Fadalou ! Fadalou ! You are welcome ! » me dit le groupe. J’avance entre les cabanes.
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