La Patagonie le nez au vent
– EXTRAIT –
Nous optons pour un chemin qui offre un joli raccourci. La piste est mauvaise et, rapidement, nous décidons de bivouaquer là. Reprenant la route à l’aube, je croise les doigts pour que nous n’ayons pas de souci. Il n’y a pas âme qui vive et n’avons croisé aucun véhicule. Les paysages sont fouettés par la bise. Épars, au bord des lacs salés, les flamands roses sont indifférents au vent. Louis finit tranquillement sa nuit. Tapi Aike, poste à essence avec juste une bicoque de bois, marque la sortie de la piste. Deux gauchos font une brève apparition avec un pick-up des années 1960. Le tenancier taciturne vient nous servir de l’essence dans une atmosphère de désolation fascinante.Sur la route, nous avons la chance de voir des condors.
L’hiver, dans certaines rues de Punta Arena, des cordages sont tendus afin que les piétons puissent s’y accrocher.
Rio Turbio, désolée et glauque, ne dépareille pas des autres grandes villes de Patagonie. Nous trouvons un café. En nous voyant, la tenancière fuit aussitôt et appelle son mari : « Desgringos ! » Aucun touriste jamais ne doit s’arrêter dans cette ville minière du bout du monde.Un gauchoest accoudé au bar, en chaussettes. Il a posé ses bottes mais garde son béret vissé sur la tête. Dans un magasin qui est à l’antithèse de ceux clinquants d’El Calafate, Louis rachète un blouson. Alors que nous cherchons un supermarché, un homme se lance dans des explications riches pour nous guider avant de monter dans la voiture. Cinquante mètres plus loin, nous y sommes.
Nous retraversons la frontière une dernière fois pour le Chili, passons la jolie ville de Puerto Natales avant de partir vers Torres Del Paine, parc national mythique du Chili. Sur la route, j’admire desgauchosmener leur troupeau de vaches. On se croirait en plein western. Je suis comme un gosse. Le soir, nous installons le campement au bord du lac Pehoé, préparons la flambée du soir avant de partir en balade. Un vent terrible contre lequel il est à peine possible de marcher, nous déporte sans cesse. Sur les lacs alentour pourtant étroits, il soulève des tourbillons d’embruns et des vagues qui viennent se fracasser en rouleaux sur les berges. Jamais vu ça ! Et c’est l’été ! Moi qui avais du mal à croire les enfants quand ils me disaient que, l’hiver, dans certaines rues de Punta Arena, des cordages sont tendus afin que les piétons puissent s’y accrocher.
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