
Lâche le volant, ça passe
– EXTRAIT –
La politique de la capitale a été transparente : vu la dangerosité de la ville, le choix a été fait au début des années 2000 de bannir l’idée d’un métro souterrain, et de cantonner la circulation des citoyens à la surface, là où il est plus aisé de maintenir leur sécurité.
L’idée même de pénétrer dans les entrailles de la terre d’un des pays les plus dangereux du monde il y a à peine vingt ans, aurait relevé du suicide. Nous découvrons donc ces réseaux de bus aériens, très efficaces, qui circulent à près de cent à l’heure dans des couloirs de circulation spécifiques, et longent les centaines de kilomètres de bouchons créés quotidiennement par les autres véhicules. L’impression de vitesse y est encore plus palpable.
Bogota, premier jour de voyage. Nous devons prendre le bus F74, celui qui nous conduira de la Candelaria à Chapinero. Un trop-plein de Colombiens est tassé au bon (?) arrêt que l’on nous a indiqué, et un bus noté F72 arrive. Quelques personnes descendent, beaucoup montent. Les gens ici sont très prévenants et un sexagénaire nous invite à suivre le mouvement. Nous nous approchons de la porte, n’osant monter. On nous a bien dit 72 et pas 74. Le signal de bus retentit avant la fermeture des portes et le numéro change simultanément, le F72 devient F74. Un pas en avant et nous entrons, que dis-je, nous nous encastrons dans l’espace restant. A côté, le métro parisien aux heures de pointe fait vide.
Pas de doute concernant les pickpockets, il est absolument impossible de bouger un bras, une main, un orteil. On veut se gratter ? On ne peut pas ! Ainsi comprimés, l’avantage est que l’on ne peut pas être déséquilibrés par les brusques et puissants freinages réguliers du chauffeur. Nous sommes tous ensemble devenus une houle, un ensemble de molécules de chair qui formons un fluide compact et homogène. Premier arrêt, poussés par les nouveaux entrants, nous gagnons quelques centimètres de plus au cœur du bus pour devenir, chemin faisant, une partie intégrante de cette lymphe.
Carnet de voyage de Matthieu Haag à découvrir dans Numéro 37
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