Lapérouse - La boussole - JB Héron
Carnet de voyage - Îles Salomon

Lapérouse, l’île mystérieuse & une bouteille à la mer

« Il était une fois… » C’est ainsi qu’Yves Bourgeois, réalisateur de documentaires qui a consacré une partie de sa vie à l’expédition de Lapérouse au XVIIIe siècle, commence son récit. Sans doute parce que son histoire contient tous les éléments du conte : le merveilleux, le mystère, la grande Histoire et la part de fantasmes qui nourrit la tradition populaire. Tout, dans cette aventure hors norme, invite à la rêverie : les frégates, l’Astrolabe et la Boussole, une bouteille à la mer et une île mystérieuse au milieu du Pacifique.

– EXTRAIT –

Il était une fois, « l’île Mystérieuse », la vraie, celle qui existe vraiment, celle que nous avons aperçue un jour, très loin, tout au fond de l’horizon. Perdue dans l’immensité du Pacifique sud, elle appartient à un petit groupe de trois, les îles Santa Cruz.

Son nom : Vanikoro. Elle entre dans l’Histoire le jour où un bourlingueur irlandais, Peter Dillon, y fait escale le 7 septembre 1827, et confirme avoir découvert les lieux du naufrage de la légendaire expédition Lapérouse. Partie de Brest quarante-deux années plus tôt, ce tour du monde par procuration du roi Louis XVI allait rendre célèbre cet endroit du monde pour l’éternité. Jules Verne dévoilera plus tard certains de ses secrets d’écrivain, avouant s’être nourri bien souvent de journaux de bord et autres récits de grandes circumnavigations dont celles du capitaine de Lapérouse et de James Cook.

Je ne pouvais imaginer, à cet instant précis du premier regard vers sa silhouette embrumée, que le nom de Vanikoro allait désormais résonner dans ma vie avec une telle intensité durant plus des vingt années à venir, jusqu’à devenir parfois, une obsession.

La seule carte marine existante de la zone des Santa Cruz, utilisée par l’enseigne de vaisseau aux commandes de notre navire, datait des années cinquante et un avertissement y figurait en toutes lettres : « Climat mortel pour les Européens ».

Le tournage d’un film nous avait embarqués avec mon équipe, sous ces latitudes hostiles du plus grand océan du monde. À bord d’un patrouilleur de la marine nationale, nous avions mis le cap plein nord pour un trajet de quelque 900 nautiques au départ de Nouméa, soit près de 2 000 kilomètres, dans les sillages de la Boussole et de l’Astrolabe au crépuscule de leur ineffable voyage. Notre ascension cartographique et maritime allait nous conduire jusqu’à 11° de latitude Sud de l’équateur, là où naissent les terribles dépressions qui donnent souvent naissance aux cyclones, et dont les navires du royaume ainsi que leurs équipages furent de funestes victimes. La seule carte marine existante de la zone des Santa Cruz, utilisée par l’enseigne de vaisseau aux commandes de notre navire, datait des années cinquante et un avertissement y figurait en toutes lettres : « Climat mortel pour les Européens ».

Tragique mais toujours enflammée de mystère, la plus ambitieuse des navigations imaginées par Louis XVI est encore loin de nous révéler tous ses secrets. Nous étions en novembre 1999, notre objectif était d’accompagner pour la première fois une équipe de passionnés à l’origine d’une grande campagne de fouilles. C’était la dernière du siècle, comme s’amusait à le souligner Alain Conan, fondateur de l’association Salomon et hanté depuis son enfance par le destin de son héros, Jean-François de Galaup de Lapérouse. (…)

Alain Conan avait investi toute son énergie et une grande part de ses moyens financiers dans la réalisation de son rêve : « Contrairement à ce que l’histoire considère comme un dossier clos, je veux prouver que certains de marins du roi ont pu survivre au naufrage, et qu’ils ont tenté de reconstruire une ou plusieurs embarcations de fortune pour aller vers l’ouest, et trouver du secours ».

Avec les membres de son association Salomon, nom de l’archipel dont dépendent les îles des Santa Cruz, il avait déjà organisé et conduit quatre expéditions à Vanikoro. Si leurs investigations avaient permis la découverte de nombreux objets sur les sites des deux épaves des frégates, aucune preuve n’avait été mise au jour attestant de la survie des marins dans un camp de fortune à terre, d’un potentiel chantier naval improvisé, mais aussi des véritables noms des deux navires et de leur site. Était-ce La Boussole ou L’Astrolabe qui s’était échouée dans le lagon avec d’éventuels survivants ?

Calée sur les dates de cette nouvelle expédition dix années après la précédente, notre escapade cinématographique était planifiée sur la durée de la campagne archéologique, soit 35 jours.

Le récit de l’aventure extraordinaire d’Yves Bourgeois à découvrir dans Bouts du monde 52

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