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Carnet de voyage - Océan pacifique

Le mystérieux carnet de voyage de sœur Marie-Simone

C’était dans une rue de Nantes, il y a deux ans. Mélanie remarque, abandonné sur un trottoir, un vieil album photo, semblable à ceux qui sont rangés dans les armoires des grands-mères. Elle ose tourner les pages jaunies par le temps, découvre une écriture régulière à l’encre noire, des bribes de correspondance épistolaire, des photos et puis une carte des îles Salomon, dessinée à la main.

Ce carnet de voyage n’a jamais eu vocation à être publié. Son auteur s’appelle sœur Marie- Simone. Elle était sœur à Sainte-Foy-lès-Lyon. Elle accompagnait une de ces missions que les pères maristes menaient dans les îles Salomon au début du siècle dernier. Nous n’avons pas retrouvé la famille de sœur Marie-Simone, nous ignorons même son nom. Nous avons choisi de publier des extraits de ce carnet de voyage, espérant peut-être remonter le fil d’une histoire.

– EXTRAIT –

Port-Saïd n’était encore qu’une petite ville portuaire posée sur les bords du canal de Suez. Sœur Marie- Simone a collé, sur la 2e page de son « album de collections » rouge, une photo de l’embarcadère, un peu voilée avec le temps. Il y en a aussi une du canal, prise depuis le pont d’un bateau, et puis une autre d’Aden au Yémen. 

Qui était sœur Marie-Simone ? Quel âge avait-elle quand elle a quitté le noviciat de Saint-Foy-lès-Lyon ? Combien de temps est-elle partie ? Au début des années 1920, elle a rejoint une mission dans les îles Salomon. Elle appartenait à la congrégation des sœurs maristes, éducatrices, missionnaires, hospitalières. Dès le début de ce qui représente pour l’époque une extraordinaire aventure, sœur Marie-Simone écrit, prend des photos, colle des cartes postales. Elle a voyagé à bord du S. S. Doukkala, « paquebot poste rapide français ».

 Elle immortalise « un coin de la rade » de Sydney au large de laquelle croisent un bateau vapeur et un trois-mâts ; sur les côtes, les maisons n’ont qu’un seul étage. Et elle raconte sa vie à Gagan-Buka, où la mission des pères maristes s’est installée. Ce qu’elle montre ressemble à ce qu’on voyait et lisait habituellement dans les carnets de voyage, avec une approche naturaliste, presque ethnologique d’un nouvel environnement Mais sœur Marie-Thérèse n’était pas scientifique. Juste curieuse, et désireuse de faire partager ses étonnements et découvertes. « Comme je voudrais pouvoir vous envoyer quelque chose de nos îles, aussi moi ! Mais hélas, il n’y a pas de bureau de poste à Buka ; je collectionne pourtant, lorsque j’aurai assez de choses intéressantes, je prendrai des renseignements pour les expédier », écrit-elle dans une lettre à sa mère en réponse à un colis qui lui est parvenu quelques mois auparavant. 

Combien je te remercie pour ta longue lettre d’octobre, et des quatre colis que je viens de recevoir tous en très bon état ; ces petites choses de France font si plaisir. Je suis comme une enfant qui développe des surprises. Mais moi je sais d’où elles viennent et dans tous les détails, il me semble qu’il y a – et c’est vrai – un peu du cœur de ma mère, rien de brisé, de détérioré : tout était si bien enveloppé. Comme je voudrais pouvoir vous envoyer quelque chose de nos îles, aussi moi ! mais hélas, il n’y a pas de bureau de poste à Buka ; je collectionne pourtant, lorsque j’aurai assez de choses intéressantes, je prendrai des renseignements pour vous les expédier. Chère maman, la nouvelle que tu m’envoies au sujet de l’ouvroir me fait bien plaisir ; daigne assurer ces dames de ma sincère reconnaissance pour leur travail de charité envers notre pauvre mission. C’est bien, de toutes les stations du vicariat, la nôtre qui a le plus besoin de secours. Nous sommes arrivés ici seulement au début du mois de juin dernier ; nos maisons, l’école, l’église ont nécessité des dépenses et aujourd’hui nous sommes obligés de nous suffire avec les seules choses indigènes. Mais aussi, nous avons la consolation d’avoir eu un petit noyau d’adultes nouvellement baptisés et une quantité de petits enfants (27 baptêmes le mois dernier). Sur ce nombre, il y en a un que j’ai eu le bonheur de faire. Il y a neuf mois, c’était notre petite Maria-Thérésa à qui nous procurions la grâce du baptême et même lui sauvant la vie ; dernièrement, c’était un petit garçon nouveau- né que nous prenions chez nous et à qui, dès la première nuit, il était de nécessité, pensions-nous, de le baptiser. C’est moi qui le fit. Oh ! ma chère Maman, si tu savais comme j’étais heureuse en faisant ce premier baptême. Le bébé est  mort la 3e nuit.

Carnet de voyage à découvrir dans Numéro 4

 

 

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