Le premier touriste de l’Histoire
EXTRAIT :
Depuis toujours, j’ai été attiré par l’Aventure. À 16 ans, je suis parti au Brésil pendant des mois, puis à 24 ans, j’ai fait un séjour de près de deux ans dans la Corne de l’Afrique. Le ton était donné ; depuis lors, je voyage à longueur d’année : Afrique de l’Est, centrale, du Sud, Maghreb, Asie, Amériques… Est-ce pour autant l’aventure que de voyager fréquemment ? Une des définitions du Larousse nous dit de l’Aventure : « Entreprise comportant des difficultés, une grande part d’inconnu, parfois des aspects extraordinaires, à laquelle participent une ou plusieurs personnes : le récit d’une aventure en mer ».
Ce n’est pas mon cas. Point de risques réels dans mes destinations, même si le Tchad, la Centrafrique ou la RDC peuvent réserver certaines surprises, mes voyages sont bordés, sécurisés, souvent par le biais des Ambassades ou de contacts éclairés sur place. Non, l’Aventure je la vis par procuration. Mes lectures et les écrivains voyageurs sont mes phares.
Je suis auteur de romans graphiques et mes livres se réfèrent aux voyages et aux écrivains voyageurs. Je ne suis que le suiveur de leurs aventures. J’ai cité et fait apparaître tour à tour Kessel, Rimbaud, De Monfreid et bien d’autres dans mes bandes dessinées. Puis je construis une histoire autour d’eux, et je me presse dans leurs pas. J’ai besoin de retrouver sur le terrain l’atmosphère lue, pour la dessiner.
Et puis j’ai découvert au détour d’un périple à Tanger, au Maroc, un aventurier complètement inconnu pour moi : Ibn Battûta. Le portrait que l’on me fit de ce personnage hors du commun attira tout de suite mon attention. Au Moyen Âge, il avait parcouru, semblait-il, plus de 120 000 kilomètres, et avait relaté son périple dans un ouvrage immense. Il me fallait absolument lire son récit. Avant de le vivre, Ibn Battûta avait rêvé son voyage : « La nuit, je me vis en songe sur l’aile d’un grand oiseau qui volait dans la direction de la Ka’ba, puis vers le Yémen, l’Orient, le Sud, puis de nouveau loin vers l’Orient. C’est alors qu’il descendit vers une terre vert sombre et m’y laissa. » (…)
Après la lecture intégrale des trois volumes de la Rihla, je suis absolument convaincu que ce récit pourrait faire une histoire dessinée extraordinaire, mais la tâche semble immense. Été 2018. Contre toute attente, j’ai l’immense bonheur d’être présenté au fameux romancier marocain, Lotfi Akalaï, originaire, comme Ibn Battûta, de Tanger. Lotfi avait écrit une incroyable adaptation de la Rihla originale, donnant un angle assez incisif à son roman « Ibn Battûta, Prince des voyageurs ». L’idée d’en faire une bande dessinée, très orientée « carnet de voyage » dans l’approche graphique, germe rapidement et je travaille à la création de cette BD.
Carnet de voyage de Joël Alessandra à découvrir dans Numéro 47
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