Le retour au bled
EXTRAIT :
Il fait beau à Creil ce matin de juillet 1990. Les volets verts de l’appartement s’ouvrent et claquent contre la façade de l’immeuble. La lumière du soleil inonde le séjour. Du haut de mes 12 ans, je me prépare, comme chaque année, à un grand voyage : les vacances au bled. (…)
Le jour du départ, toute la famille était réunie dans le salon, sauf mon père, qui se débattait depuis l’aube avec des dizaines de mètres de cordage, nécessaires pour ficeler les cartons et sangler la cargaison. Chacun suivait une feuille de route précise. Ma maman et mes sœurs s’affairaient dans la cuisine, elles préparaient les provisions pour le voyage. Le ravitaillement s’entassait sur la table : trois poulets zitounes, des fruits en pagaille, des galettes marocaines, du pain rond et suffisamment de casse-croûtes pour tenir un siège de cent ans sur la route.
Chez la famille Elkarouni, on roulait en Peugeot, le roi du diesel. Le lion de l’Atlas, sur la calandre, était un gage de robustesse, et le litre de gazole coûtait moins cher qu’une demi-baguette. L’année précédente, la Fiat 900 nous avait plantés en plein milieu du désert andalou. Depuis cette galère, mon père avait juré de ne plus faire confiance aux étrangères.
La veille, ma maman avait fini de rafistoler les rideaux à fleurs achetés au marché du jeudi sur la place du Champs-de-Mars pour nous protéger des regards et du soleil. Un élastique tendu à l’intérieur de l’habitacle faisait office de tringle à rideau et des napperons en dentelles recouvraient l’appui-tête. Mon père, lui, avait apposé la dernière couche de peinture bleu turquoise sur la tôle et les enjoliveurs de la remorque. à quelques heures du départ, on descendait les valises, les colis, les deux-roues, les tapis enroulés, que l’on déposait au pied de l’immeuble. Mon père, directeur des opérations, contrôlait la rigidité des cartons qu’il empilait, façon Tétris, sur le porte-bagages et la remorque. Enfin, on emballait le tout dans une grande bâche marron étanche récupérée sur un chantier.
Un camion de 33 tonnes aurait été nécessaire pour transporter le fret mais, à force d’ingéniosité, la berline familiale faisait l’affaire. Mon père avait investi dans un 505 break, un choix dicté par des convictions fortes en matière de mobilité et d’économie. Chez la famille Elkarouni, on roulait en Peugeot, le roi du diesel. Le lion de l’Atlas, sur la calandre, était un gage de robustesse, et le litre de gazole coûtait moins cher qu’une demi-baguette. L’année précédente, la Fiat 900 nous avait plantés en plein milieu du désert andalou. Depuis cette galère, mon père avait juré de ne plus faire confiance aux étrangères.
Carnet de voyage de Karim Elkarouni à découvrir dans Numéro 40.
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