Carnet de voyage - Mauritanie

Le train du désert

Entre Zouerate et Nouadhibou, six fois par jour, les plus grands trains minéraliers du globe sillonnent à vitesse prudente 700 kilomètres de désert. Une épopée industrielle et ferroviaire née dans les années 1960 dans laquelle a embarqué Jean-Marc Porte.

– EXTRAIT – 

De l’inox doux des poignées à la volée des marches qui remontent derrière nous vers la salle haute juste après la porte des toilettes, tout est presque comme à la maison. Un univers de RER familier, aux sensations de vieille micheline, de tortillard et de voies secondaires à mille années lumières de la fluidité quasi spatiale des apesanteurs soft d’un honnête TGV. Les tressautements irréguliers, les brusques à-coups et les gémissements des boggies, les petits cris aléatoires des freins. Tout le monde connaît un peu cette érotique vibratoire et sonore des vieux trains…

Quelque part au ras de la frontière du Sahara occidental, le train, « notre » train, roule très tranquillement dans le vide XXL de l’espace et de la nuit du désert mauritanien, à quelque six cents kilomètres de la côte atlantique. Un truc de dingue, comme diraient les jeunes…

Assis très tranquillement depuis des heures sur la marche de montée, sans crainte des contrôleurs et des « è pericoloso sporgersi » (Il est dangereux de se pencher), je peux profiter très profondément de l’irréalité du moment. Il fait nuit, bien sûr. La porte de la rame est grande ouverte, face à la Voie lactée et à l’obscurité. Rêverie à haute valeur ferroviaire ajoutée : le frôlement visuel des petits acacias rythme par apparitions brèves le défilement millimétrique des horizons de sable. Quelque part au ras de la frontière du Sahara occidental, le train, « notre » train, roule très tranquillement dans le vide XXL de l’espace et de la nuit du désert mauritanien, à quelque six cents kilomètres de la côte atlantique. Un truc de dingue, comme diraient les jeunes…

Rêves (transsahariens)

Depuis quand, ou peut-être comment, cette carte postale passablement délirante d’un train cheminant dans les immensités sahariennes, m’a-t-elle vaguement poursuivi pour en arriver là ? En fermant les yeux, essayer de renouer avec certaines pièces du puzzle. Nuits du désert, déplacement et « vitesse » ? Se souvenir, coincé entre deux solides Touaregs, d’heures de navigation aux étoiles sans question ni peur sur la banquette avant d’un bâché Toyota exsangue, enveloppé du moutonnement visuel des ergs et des chants de l’habitacle (cassettes de musique malienne en boucle, feulement du six cylindres à bas régime, conversations rauques et brèves en tamalchéque, légère poussière…).

Se souvenir de très anciennes lectures, un peu étonné de trouver dans le bric-à-brac des projets coloniaux de l’Empire français, entre rêves exploratoires, domination militaire et appétits géologico-miniers ; avec régularité, de Louis-Napoléon Bonaparte au gouvernement de Pétain, de solides études plaidaient pour la réalisation d’un chemin de fer transsaharien reliant Alger au Niger. Se souvenir d’images du rallye Paris-Dakar, avec les 4×4 et motards filant au ras des rails pour éviter les zones minées… Se souvenir aussi d’une rencontre au cours de laquelle on parle de la puissance d’une locomotrice General Motors dans un bar vaguement clandestin de Atar, ce qui n’est pas ordinaire. Se souvenir enfin d’avoir été réveillé au bivouac par le son aussi lointain qu’incroyable d’un train… dans le désert.

Carnet de voyage de Jean-Marc Porte à découvrir dans le Numéro 61

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