Carnet de voyage - Madeleine Verré - Tunisie - Bouts du monde 18
Carnet de voyage - Tunisie

Le voyage de Madeleine

Carnet de voyage Tunisie. Madeleine Verré admirait beaucoup son père, qui voyageait sur les océans au crépuscule du XXe siècle. En 1913, elle part jusque dans le sud de la Tunisie, seule, sur ses traces, sans doute imprégnée des récits de voyages qui avaient bercé son enfance. Hélène Mottais a retrouvé les cartes postales que son arrière grande-tante n’a jamais envoyées. Et son carnet où on devine les secousses du train qui déforment son écriture. S’y dessine le regard d’une femme indépendante qui a d’abord du mal à se départir du regard du colonisateur, puis finit par manger avec les doigts, avachie sur la plage avec les locaux, buvant du rhum et fumant du haschich…

– EXTRAIT –

Lundi 30 mars 1913.

Départ de la maison 6h du matin, je manque la correspondance partant de la place de Ferryville mais un nègre conduisant un immense camion vers Tindja consent à me prendre. Après escalade d’environ 3 mètres pour arriver au siège me voici assise près de lui sur quantité de sacs.

Il parle un peu français et me donne des renseignements utiles. L’auto de Sfax à Gabis aller et retour coûte 24 francs – le bateau de Sfax à Djerba met 6 heures, prix 1 fr 60; je m’imagine que ce doit être le prix d’émigrants. La viande vaut 35 cts la livre; les dattes 25 cts le kilo en Anipolie; il y fait en ce moment très chaud. Les blés se coupent. Enchantée de mon nègre et de ses renseignements, je lui donne 90 cent et arrive à Tindja juste pour sauter en 3e dans le train qui s’ébranle vers Tunis (prix d’aller 4fr80).

(…)

Kairouan. Mardi 31 mars 1913. Nuit de tempête et d’orage, pas de punaises. Après être passée au contrôle, visite des mosquées. Mon guide voudrait une voiture ; mais cela est dépense inutile, je lui fais comprendre que mes jambes ont besoin de se dégourdir du train et nous partons au pas de course. La mosquée des barbiers est remarquable par ses mosaïques. Une cour et de petites chambres sont affectées aux Arabes pauvres qui veulent apprendre gratuitement à lire, écrire.

Déchaussée après avoir bu de l’eau dans de petites potiches, nous pénétrons religieusement dans la salle de prières. Au centre est un tombeau orné de drapeaux, recouvert d’un tapis ; autour une guirlande de boulettes de terre de la Mecque, des œufs et certaines autres pendioches par terre, de magnifiques et somptueux tapis anciens de Kairouan; le plafond tout en mosaïques ; beaucoup de vitraux plâtre et verreries travaillés grande ressemblance avec le musée du Bardo. On m’invite à m’asseoir à la mode arabe ce que je fais de bonne grâce le tapis étant fort moelleux et, dans cette position, j’assiste à la prière d’arabes venus en pèlerinage pour lire le coran. Ce tombeau est, parait-il, celui d’un prophète de Mahomet. Les autres salles sont également en mosaïque, bois et plâtre sculpté.

Carnet de voyage de Madeleine Verré, à découvrir dansNuméro 18.

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