Photographe voyage - Thomas Goisque - Inde - Bouts du monde
Carnet de voyage - Inde

L’esthétique de la bécane

Carnet de voyage. En jetant un coup d’œil dans le rétroviseur de leur Royal Enfield, le photographe Thomas Goisque et l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson, aperçoivent la fantaisie du monde, l’ivresse des ornières et la silhouette de vieilles bécanes.

– EXTRAIT –

Pourquoi avions-nous pris la route ? Nous étions de gentils garçons, et bien élevés avec cela. Nous avions fait du latin, pris des leçons de piano. Rien ne nous prédisposait à enfourcher des motocyclettes, la main droite sur la poignée des gaz. Certes, on avait entendu dans notre enfance qu’il fallait « empoigner son destin ». Quand on est sensible à ce genre d’injonction, il n’y a pas trente-six choix : on saisit soit une charrue, soit un fusil de soldat. Nous, nous pensâmes au guidon des motocyclettes.

Et très vite, nous comprîmes que rien ne valait de se tenir assis sur la selle, pendant des heures, bras tendus, regard fixe, torse droit, immobiles, lavés par les rafales. En avant, calmes et fous.

Nous décampâmes. Nous partîmes vers les horizons, avec une fièvre dont nous pensions que l’accumulation de kilomètres serait l’antidote alors qu’elle s’en révéla l’excitant. Mais le mouvement apaisait quand même quelque chose. Il atténuait notre mélancolie de n’avoir rien fait de nos vies, d’être nés trop tard et d’avoir tout raté. Nous n’étions pas des lansquenets, nous avions manqué l’embarquement sur les galions pirates, nous ne rejoindrions jamais la forêt de Sherwood. Que restait-il ? Les mobs, mon pote.

Il y avait dans le voyage à moto une réminiscence des vieilles chevauchées que la modernité et ses lois cadastrales avaient interdites. Nous trouvions à peu de frais, assis sur la selle d’une bécane, un écho lointain de ces ruées sauvages où l’on cravachait sa monture, fichait une torgnole aux rafales et déclarait la guerre à tout le monde selon le bon vieux principe des Comanches. En outre, rouler sur une motocyclette était un bon moyen de rester seul. La moto, c’est la paix. Les autres ? Ils passent à cent à l’heure sur le côté de la route.

La suite du carnet de voyage de Sylvain Tesson et Thomas Goisque est à découvrir dans Numéro 33.

 

à découvrir aussi

carnettiste : Julie Olagnol - Nagaland - bouts du monde

Chez les coupeurs de tête du Nagaland

par Julie Olagnol

Il est préférable de bien s’apprêter et d’observer la coutume pour qui veut rendre visite au roi de Longwa, dans l’Etat indien du Nagaland. Et pour cause, ses ancêtres étaient des coupeurs de têtes. Il subsiste quelques doutes sur la fin de cette tradition ancestrale, que la mondialisation pourrait diluer un jour dans un douteux…

Carnet de voyage Zanskar

Le grand voyage des semeuses de joie

par Caroline Riegel

EXTRAIT : Nous avons bien conscience que notre histoire d’amitié est formidable. D’ailleurs, elles en sont convaincues : « Nous nous sommes forcément rencontrées dans une ancienne vie ! ». Une conviction toute naturelle pour des nonnes bouddhistes du petit Tibet. Somme toute, disciples du dalaï-lama, elles croient fermement en la réincarnation, la compassion et l’éveil.…