L’étoile du Nord
– EXTRAIT –
Je prends un premier contact avec l’Islande dans la petite ville d’Ísafjörður, littéralement : Fjord de glace. Elle est la ville la plus peuplée de la région des fjords de l’Ouest, forte de ses 2 745 habitants sur un territoire qui n’en compte que 4 000. Les fjords de l’Ouest sont considérés comme la région la plus isolée et la moins peuplée d’Islande. Située à l’extrémité nord-ouest de l’île, elle s’étale sur la mer comme une main de géant. Elle est aussi la seule région à ne pas être traversée par la très touristique route n°1, ajoutant encore à son isolement. Deux murailles naturelles entourent et surplombent la ville cachée dans le creux d’un fjord nommé Skutulsfjordur, lui donnant des allures de ville fortifiée. Port de pêche millénaire, l’activité y a décliné depuis les années 1980 avec la raréfaction du poisson. Bois rongés par le sel et peintures criardes qui s’écaillent, les anciennes maisons de pêcheurs ne se tiennent plus que devant les appareils photos des rares touristes.
À mon arrivée, le blizzard s’est abattu sur l’île, me forçant déjà à abandonner tout projet de marche. Un peu têtue, je sors tout de même dans l’intention de peindre un paysage de tempête
À mon arrivée, le blizzard s’est abattu sur l’île, me forçant déjà à abandonner tout projet de marche. Un peu têtue, je sors tout de même dans l’intention de peindre un paysage de tempête en composant avec la neige et le vent. Dix minutes plus tard, je suis de retour au bateau. Je profite de ce repli forcé pour faire davantage connaissance avec les gardiens du lieu : Baptiste et Machu. Le premier est le capitaine d’Atka ; trentenaire jurassien qui a déjà parcouru toutes les mers du globe et sillonné chaque mètre carré des eaux arctiques. Il profite de l’hivernage pour préciser son prochain projet professionnel : la foresterie. Le marin est en mal de verdure. Machu, quant à elle, est conseillère principale d’éducation dans un lycée de Chamonix. Compagne du capitaine, elle l’a rejoint pour le temps de l’hivernage. Entre nous, les barrières tombent très vite. Nous abandonnons les formules de convenance pour partager nos premiers fous rires et premières confidences.
Après trois jours de blizzard, le vent retombe enfin. Bien que la couverture nuageuse ne se soit pas dissipée, je sors. Pendant ces trois jours, j’ai parcouru à loisir les reliefs alentour sur la carte IGN de Baptiste. Je pense en connaître toutes les possibilités, ouvertures et portes. Ne reste plus qu’à arpenter !
Dans les fjords, la marche commence toujours par une longue approche à plat : il s’agit de longer à la recherche d’une passe dans le relief. J’entre en direction du Sud-Ouest. Prenant de la hauteur, un premier constat contrarie ma lecture du paysage : les montagnes sont « bizarres », me dis-je. Puis je comprends l’erreur : elles n’ont pas de tête. Ces montagnes prennent racine dans la mer, s’élèvent en une pente abrupte, avant d’être fauchées nettes : leurs sommets sont des plateaux. Pour le regard alpin qui est le mien, il leur manque quelque chose ; du moins, il ne sera pas ici question d’alpinisme ni de conquête des cimes. Tant mieux.
Carnet de voyage Islande, de Lauriane Miara, à découvrir dans Bouts du monde 55
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