L'incFrères Omidvar - Bouts du monde - Iran
Carnet de voyage - Iran

L’incroyable odyssée des frères Omidvar

 Comment Issa et Abdullah Omidvar, deux jeunes Iraniens, en sont venus à parcourir le monde à la rencontre des peuples premiers, à vivre l’un des voyages les plus étonnants de l’après-guerre, avant d’être accueillis en héros à leur retour en Iran, après dix années d’aventures ? Jean-Louis Ozsvath, un ami de cette famille de Téhéran, n’en finit plus de s’immerger dans cette histoire fascinante.

– EXTRAIT –

Issa et Abdullah Omidvar sont les derniers d’une fratrie de six enfants. Ils ont à peine dix ans quand débute la Deuxième Guerre mondiale. Leur père dirige une entreprise de confection et est amené à exporter ses productions vers l’In de et l’Afghanistan. Dans leur quartier de Darvazeh Doulab, à l’est de Téhéran, les nuits d’été se passent sur les toits en pisé de la maison familiale pour y chercher un peu de fraîcheur. C’est de là-haut, alors que les deux enfants sont allongés, blottis l’un contre l’autre, hypnotisés par les étoiles, que leur père leur ouvre les portes d’autres mondes bien mystérieux. D’une voix limpide, il raconte chaque soir la vie des peuples qu’il a rencontrés. Comme il parle doucement pour ne pas réveiller les voisins, les deux frères doivent tendre l’oreille pour ne rien perdre de ces mœurs étranges. « Il y a un pays très lointain, au-de là des montagnes gigantesques de l’Himalaya, où les habitants croient à un autre dieu, qui serait né d’une femme. Pendant des jours, les prêtres interrogent les tout jeunes enfants, guettant un signe divin qui leur désignera l’élu, le dieu incarné, futur guide qui sera alors vénéré toute sa vie… » De quoi nourrir sans fin les rêves d’ailleurs.

Pendant les vacances scolaires, leur mère les emmène à Taléghan, le village d’origine de la famille, en direction de Karaj, à l’ouest de Téhéran. Le trajet en soi est une aventure. Les véhicules ne peuvent aller plus loin que le bourg de Âb-e-yek. Il faut s’y arrêter pour la nuit, déposer tout son chargement à la maison de thé, la bienvenue tchaïkhané. Avant de repartir dès le lendemain, ils sont aidés de quelques ânes, pour gravir pas à pas les sentiers escarpés. La récom pense est au bout du chemin, accueilli au crépuscule par les cousins restés au village. De retour à Téhéran,
les deux frères aiment traîner autour de la gare routière près du bazar Marvi, à deux pas du palais du Golestan. Ils restent là, des heures à rêver devant la liste des destinations, à observer les manœuvres chaotiques des bus poussifs qui s’ébrouent dans la poussière, leurs assistants en équilibre, suspendus à la portière pour guider leur chauffeur.

Pendant l’été 1951, Abdullah entreprend avec un de ses amis étudiants un tour de l’Iran, de Mashad à Bandar-Anzali et jusqu’à la province du Kurdistan. Issa, lui, récupère avec excitation son premier passeport et prend à vélo la direction du poste-frontière de Bazargan vers la Turquie. Il se fait arrêter par la police à Alep en Syrie, ses films photographiques sont confisqués. Il reste en garde à vue quarante-huit heures avant de pouvoir rejoindre Damas.

L’adolescence est l’âge de passions différentes pour les deux frères. Le vélo et les instruments de musique pour Issa, la lecture pour Abdullah. Le bac en poche pour tous les deux, Abdullah continue ses études, tandis qu’Issa entame sa vie professionnelle. Embauché par les chemins de fer iraniens, au service chargé d’éditer le journal interne, il commence à s’ennuyer rapidement. Il propose à son frère de rejoindre ensemble la section alpinisme du célèbre club sportif Nirou & Rasti. Les défis des sommets du massif de l’Alborz les attirent. En 1951, Issa réussit à escalader le Damavand (5 671 mètres) par la face nord, celle des glaciers. Il devient moniteur de haute montagne et doit organiser à son tour des ascensions. Le club leur donne également l’occasion de côtoyer des spéléologues, des passionnés d’archéologie. Ils explorent ensemble les grottes autour de Téhéran et collectent même des fragments de lampes et des poteries anciennes de la période préislamique. Ils notent leurs découvertes, se documentent et se passionnent pour l’histoire des civilisations. Au cours de ces voyages, ils croisent aussi des tribus nomades, les Qashqa’is, les Bakhtiaris, les Afshârs… Ils rédigent des articles, tentent des études comparatives. Ça y est, ils savent maintenant à quoi consacrer leur énergie. Le grand projet est né : il faut absolument capter tous ces modes de vie, ces rituels, ces traditions en voie d’extinction. Aller au-devant des peuples premiers, en Iran, et bien au-delà.

Pour mener à bien cette quête, ils sont convaincus qu’une planification rigoureuse et un entraînement mental comme physique seront indispensables. Ils vont jusqu’à tester leurs capacités de résistance. Pendant trois mois, pendant l’été 1951, Abdullah entreprend avec un de ses amis étudiants un tour de l’Iran, de Mashad à Bandar-Anzali et jusqu’à la province du Kurdistan. Issa, lui, récupère avec excitation son premier passeport et prend à vélo la direction du poste-frontière de Bazargan vers la Turquie. Il se fait arrêter par la police à Alep en Syrie, ses films photographiques sont confisqués. Il reste en garde à vue quarante-huit heures avant de pouvoir rejoindre Damas. Le retour en Iran se fait par l’Irak. Riche d’un périple solitaire de quatre mois, il sait qu’il va falloir caler certains détails.

Ce carnet de voyage par Jean-Louis Ozsvath sur l’incroyable odyssée des frères Omidvar est à découvrir dans Numéro 37

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