L’obsession de Bénarès
– EXTRAIT –
Lors d’un premier voyage en 2002, je découvre la lumière laiteuse du fleuve, le contraste entre le vide de l’eau et la complexité visuelle de la rive (architectures tarabiscotées, densité des hommes et des animaux), la sensation d’être au pied d’une falaise qu’offre la vue des ghats quand on se tient sur la rive. Je suis très impressionnée et je dessine beaucoup. Ce que je produis alors est différent du reste et marquera les dessins à venir. J’ai moins peur de représenter les gens, les choses se détachent facilement sur l’arrière-plan du fleuve ; la verticalité, la multiplicité, le détail s’imposent. J’apprends à me poser et à m’imprégner de ce que je vois.
Cette attraction visuelle se prolonge et s’étend. Je retourne à Bénarès, sans jamais avoir l’impression d’en venir à bout. Je suis plus patiente, je souhaite approfondir, je délaisse la spontanéité du croquis pour des dessins plus longs, plus posés. La ville offre de très nombreux escaliers où s’asseoir, un confort capital pour ce que j’essaie de faire. J’ai peine à sortir d’un certain périmètre : je n’arrive pas à me détacher des bords du fleuve. Quand je parle de Bénarès aux gens en France, j’apprends que pour tous, c’est la ville de la mort, les crémations dominant toute autre impression, un mélange morbide et fascinant de beauté et d’horreur.
Carnet de voyage de Valérie Michel, à découvrir dans Numéro 30
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