L’odyssée de Narcisse Pelletier, le naufragé
Nous avons tous des figures qui nous marquent dès l’enfance et que l’on porte en soi comme une part intime de notre histoire, comme un héritage précieux alors même que nous n’avons pas de liens directs avec elles. C’est le cas pour moi de Narcisse Pelletier, ce jeune Vendéen qui a été abandonné au milieu du XIXe siècle en Australie et qui a vécu 17 ans parmi un groupe aborigène avant d’être découvert et ramené en France. Je suis né à La Rochelle et mes parents sont originaires du littoral vendéen.
Mes deux grands-pères étaient pêcheurs autour de Saint-Gilles-Croix-de-Vie. Mon grand père maternel racontait que son propre grand-père Jean-Etienne Morteau, lui aussi marin pêcheur, lui disait avoir été présent au moment du retour de Narcisse à Saint-Gilles en janvier 1876. Cette histoire, finalement peu présente dans le paysage de la ville, avait trouvé sa place dans l’imaginaire de nombreuses familles.
(…) A13 ans, il s’engage à Marseille sur un trois-mâts le Saint-Paul partant au long cours avec un chargement de vin pour l’Inde.
Après un voyage de plusieurs mois et la vente effectuée à Bombay, le capitaine du navire, Emmanuel Pinard, décide de poursuivre la route vers Hong Kong. (…) Le bateau perd sa trajectoire et finit par s’échouer contre un récif de corail, près d’un petit îlot, l’îlot Héron au nord de l’île Rossel. Après un accueil ambigu des populations de l’île Rossel qui finissent par attaquer des marins venus chercher de la nourriture sur l’île, l’équipage français décide alors d’aller en chaloupe rechercher de l’aide en Australie.
Cette expédition d’une dizaine d’hommes se serait préparée sans concertation avec les Chinois, d’après le récit de Narcisse Pelletier, contrairement à ce qu’évoque le capitaine Pinard. La traversée en chaloupe devient vite un calvaire, l’eau et la nourriture manquent. Douze jours sont nécessaires avant de toucher terre sur le littoral australien, après 1 200 kilomètres parcourus. Un membre d’équipage meurt et les autres sont très affaiblis. La recherche d’eau infructueuse pousse le groupe à longer la côte avec la peur de tomber sur des populations hostiles. C’est alors que le destin de Narcisse Pelletier prend une tournure particulière. Sur un malentendu, Narcisse est laissé près d’une source tarie avec l’assurance d’être récupéré par l’équipage à son retour. Narcisse Pelletier a peut-être mal compris et semble s’être déplacé puis endormi. Au moment de son réveil, la chaloupe n’est plus là, le reste de l’équipage est parti. Narcisse a 14 ans et se retrouve tout seul sur cette terre qu’il ne connaît pas.
© Récit de Thomas Duranteau à découvrir dans Bouts du monde n°29
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