Miracle dans le Pamir
– EXTRAIT –
Dans un méandre de la rivière se tient une yourte. Première habitation en vue depuis le début. La famille est hélas de l’autre côté de la rivière, que je n’ai pas envie de franchir maintenant. Je salue à distance et continue mon chemin. Quelques heures plus tard, le sac me paraît déjà bien plus lourd qu’au début, mais j’avance encore à bonne allure. J’ai l’impression d’approcher du lac Yachilkul, il ne doit pas être si loin que ça… Cela fait plus de douze heures que je suis parti ce matin, j’ai parcouru près de trente kilomètres avec mon gros sac, il faudrait que je pose la tente. Et ce lac qui ne doit pas être loin… tant pis pour le bivouac sur le lac pour ce soir, il faudra attendre encore un peu ! Je franchis la rivière pour m’installer sur une jolie plage de la rive opposée. La tente est montée machinalement, puis je m’écroule de fatigue, sans bouger pendant une heure. Je ne me relèverai que pour manger un peu, car il le faut bien, même si la faim n’est pas là. Je sais que l’altitude me coupe souvent un peu la faim, ce n’est pas très grave. Malgré ma fatigue physique, je n’arrive pas très bien à dormir. J’ai très mal aux muscles des jambes. J’ai dû faire une grosse journée quand même…
Le jour se lève, je plie la tente et recommence à marcher… La rivière s’élargit vite en un delta verdoyant, pour laisser rapidement (deux heures de marche tout de même) place au lac. Il est bordé à l’est par une immense plage de sable blanc de laquelle s’élèvent de véritables tornades, le tout sur fond de hauts sommets glacés. Le vent souffle effectivement fort, face à moi, incessant. Il brûle les lèvres, les yeux, les tornades passent et repassent, il faut se protéger à chaque fois… Je réussis malgré tout à faire une petite sieste au milieu de ce vacarme.
Une alarme se déclenche en moi : je pense pour la première fois au mal des montagnes, et à un œdème pulmonaire. Pour vérifier cela, par réflexe j’expire et vide mes poumons. Le verdict est sans appel : j’entends ce gargouillis si caractéristique, signifiant que mes poumons sont en train de se remplir d’eau.
Je progresse ensuite lentement sur la rive nord. Le bleu du lac est profond, sombre et intense. Le vent rend tout ce paysage beau, extrêmement beau, mais brutal et inhospitalier. J’ai l’impression d’être arrivé à mon premier but, mais en même temps de n’être nulle part. Je suis bien au milieu de nulle part, je me souviens des cartes-satellites observées attentivement avant mon départ ne montrant que quelques minuscules villages distants de plusieurs jours de marche, séparés par des rivières et des cols… et des glaciers si par hasard je me trompais de vallée.
Mais une carte-satellite ne montre pas le bruit des vagues du lac agité, ne fait pas sentir les lèvres brûlées par le vent qui ne donne aucun répit de la première heure de jour jusqu’au coucher du soleil, et enfin ne permet pas de voir qu’en plusieurs heures de marche, les montagnes qui nous entourent ont à peine changé leur perspective…
J’avancerai le plus possible, ajoutant à chaque fois trente minutes de marche quand je pensais m’arrêter. Je ferai finalement le bivouac au milieu de la rive nord, vraiment épuisé. J’espérais peut-être trouver une habitation, un berger, dans cet endroit où une rivière venant du nord se jette dans le lac, je n’ai trouvé qu’une ruine abandonnée. Je me force encore une fois à manger avant de m’endormir, alors que le soleil n’est pas encore couché.
Je me réveille, après quelques heures de mauvais sommeil. J’ai mal à la tête, c’est indéniable. Une alarme se déclenche en moi : je pense pour la première fois au mal des montagnes, et à un œdème pulmonaire. Pour vérifier cela, par réflexe j’expire et vide mes poumons. Le verdict est sans appel : j’entends ce gargouillis si caractéristique, signifiant que mes poumons sont en train de se remplir d’eau.
Carnet de voyage dans le Pamir de Guillaume Bertocchi à découvrir dans Numéro 12.
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