Native immersion
C’est l’hiver. Impressionnant de force, de silence et de grandeur. Un monde à la fois vivant et figé dans les glaces. Au mois de janvier, il n’est pas rare de voir la température chuter régulièrement en dessous de -30 °C. J’adore ce temps glaciaire, en suspension. Le temps et le territoire des loups, des étoiles scintillantes et des aurores boréales.
Parfois, je pars faire un tour sur les pistes avec Léonard et ses chiens de traîneau. Nous les encourageons de la voix, et ils trottent avec entrain sur les chemins. Sensa tion de liberté, le froid rougissant nos joues. Les sapins défilent. Quelques chiens nous accompagnent librement et courent à côté du traîneau.Plus loin, lorsque le lac gelé émerge à notre vue, nous apercevons des enfants qui jouent au hockey sur sa surface. La plus belle et la plus grande patinoire du monde.
Lorsque je ferme mes yeux, il m’arrive de revivre les moments magiques de mes aventures à Manawan, dans le Nitaskinan. Je m’y transporte à nouveau. Les innombrables couchers de soleil, les merveilleux ciels étoilés au-dessus des tipis rougeoyants, la fabuleuse lune rouge de l’éclipse, les levers de soleil brumeux sur le lac au son des bernaches entamant leur migration d’automne, la pygargue à tête blanche gardienne du site Matakan, que j’avais approchée de très près en canot, les ours et les lynx croisés au détour des chemins, tous peuplent mes songes.
Je me sens « enfant du monde », comme cette fameuse nuit passée à la belle étoile sur une petite île du lac Troyes, lovée dans le creux d’un arbre, écoutant le bruit des vagues sur la berge. Et puis, cette nuit incroyable de ma première aurore boréale, qui nécessita plus de trois ans de patience, d’attente et d’espoir… Levée avec des amies atikamekw durant la nuit, j’ai enfin la chance d’observer ce miracle.
© Carnet de voyage d’Aurélie Deubusschère à découvrir dans Bouts du monde n°27
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