Nouveau jour
EXTRAIT :
L’avion est un no man’s landaseptisé où le voyageur, contraint par la sédentarité, patiente en se livrant à des actions triviales : manger, dormir, déambuler en chaussettes pour éviter une phlébite et regarder des films. Tout cela en se faisant servir par des nymphes radieuses dont le visage s’éclaire ponctuellement de sourires bienséants. Le corps inactif pendant de longues heures, l’esprit n’a qu’à vagabonder. Et à songer au lendemain.
J’ignore de quoi sera fait le nôtre à Tokyo. Nous avons rendez-vous pour aller chercher une moto de location. Guère plus. D’autres dévoreraient guides ou blogs. Nous préférons les cartes. J’ai brièvement parcouru quelques sites web. Je n’ai pas compté combien d’entre eux usaient du poncif ennuyeux du « territoire qui a su mêler tradition et modernité »… Les rédacteurs sont parfois bien mal inspirés. Mais pour l’heure, je ne fais guère mieux. J’ai l’esprit sec car l’inventaire de nos connaissances sur le pays, à Reno comme à moi, est extrêmement succinct. Fin comme du papier de riz à dire vrai.
Notre méconnaissance est à désespérer. Une caravane de clichés qu’il est grand temps de parquer. Un vide sidéral de temps en temps comblé par des livres ou des films.
Nous ignorons tout ou presque de l’histoire du Japon, celui d’hier ou d’aujourd’hui, à l’exception peut-être de ses valeureux samouraïs en armure. De sa géographie nous devinons un archipel garni d’un volcan photogénique, si possible avec des cerisiers en fleurs au premier plan. Pourtant gourmets, nous avons peu goûté sa cuisine si réputée. Nous trouvons les sushis ennuyeux. Est-ce grave ? Notre méconnaissance est à désespérer. Une caravane de clichés qu’il est grand temps de parquer. Un vide sidéral de temps en temps comblé par des livres ou des films.
Mais le cinéma contemporain japonais, rarement fait de comédies d’ailleurs, nous a cependant toujours laissé un étrange sentiment. Une atmosphère morne et passive s’en dégage souvent. Les places, les bords de mer, tous les espaces publics y sont irrémédiablement vides. Les rues sont traversées par de rares véhicules et les piétons s’y font encore plus rares. Un calme pesant semble draper ce pays de manière presque inquiétante. Je me suis aussi essayée aux romans de Murakami, mais ils m’ont touchée du même trouble. Cette atmosphère éteinte me préoccupe un peu. En est-il vraiment ainsi dans la réalité ?
Carnet de voyage de Claire & Reno Marca à découvrir dans Bouts du monde 45
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