Partie de pêche en Alaska
– EXTRAIT –
Elfin Cove, un petit village accessible uniquement par la terre ou par la mer, est perché tout entier sur un gros rocher. A peine débarquées de notre petit voilier, toutes moulues par les cinq jours passés dans le golfe d’Alaska, nous entamons notre exploration. En cinq minutes, montre en main, nous avons fait le tour du micro-bourg. Toutes les routes qui s’échappent du sentier balisé se heurtent à la muraille de la forêt alaskienne. Piégées, nous sommes piégées. Mais les premières impressions sont trompeuses et surtout le temps est maussade. Les prévisions météo pour les jours à venir ne sont pas bonnes. Alors nous suivons notre intuition et décidons de rester quelques jours à quai. Riche idée. En fin d’après-midi, les pêcheurs reviennent au compte-goutte s’abriter dans la petite anse. Deux jours plus tard, nous voilà embarquées sur un troller, un petit bateau de pêche à la ligne typique de ce bout du monde, ses deux bras suspendus de chaque côté, au bout desquels flottent des hameçons par dizaines.
« T’as voulu voir ce que c’est la pêche ? Et bien maintenant tu sais ». Et c’est pas joli. Voilà à peu près ce que je me suis dit pendant ces deux longues journées que j’ai à la fois aimées et détestées. J’ai aimé le geste du pêcheur, ce beau mouvement où il attrape son hameçon, le crochète de la main droite à sa ligne, pendant que la gauche actionne un levier hydraulique qui déroule les dizaines de mètres de câble. Ce bel arc de cercle d’un bras qui entraîne tout un corps pour finalement jeter l’appât à l’eau. Après cinq minutes, quinze, parfois même trente, c’est le geste inverse. La manette est actionnée vers l’intérieur du bateau. Mètre après mètre le câble est avalé, rembobiné, les hameçons reviennent. Vides parfois. Avec un saumon qui se démène au bout. Souvent.
Carnet de voyage de Victoire Meynial à découvrir dans Numéro 34
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