Carnet de voyage Véronique Béné le long du Maroni
Carnet de voyage - Guyane

Plonger dans le Maroni

Une rue liquide, pense Véronique Béné quand elle regarde le courant du Maroni. Des embarcations y charrient pacotille et bric-à-brac de toute sorte qui finiront plus tard dans les flots du fleuve. Les rives font office de trottoirs où s’accrochent cinquante nuances de vert et le chant des passereaux.

-EXTRAIT-

Le Maroni, grand fleuve amazonien, projette ses limons dans l’océan et borde les plages d’une eau saumâtre, bien moins salée qu’une soupe chinoise et couleur de café au lait. En échange, il subit les marées et la houle de mer jusqu’à Saint-Laurent. Bien plus loin en amont, il commencera à tendre un miroir un peu terni au ciel gris, chargé de nuages, et se laissera parcourir d’éclats d’argent et de lumière. Pour voir cela, il aura fallu parcourir ses rives, murailles vertes défendant les secrets de la forêt, épaisseur que l’œil fouille en vain. Parfois un singe vole de branche en branche, quelques oiseaux passent, les fleurs colorées illuminent le profus taillis.

C’est vers l’amont, après Apatou, après Grand Santi, qu’apparaîtront les premières montagnes, en contraste avec les platitudes saint-laurentaises. Ce sera alors le temps de voir les pluies balayer le ciel, de ressentir la douceur de l’air, d’entendre striduler les élytres des cigales dans les grands arbres. Et la nuit venant, de s’endormir, lovée dans son hamac, après un dernier bain dans le grand fleuve, attentive à ne pas se faire piéger par son courant puissant.

Parfois un singe vole de branche en branche, quelques oiseaux passent, les fleurs colorées illuminent le profus taillis.

Le lendemain, le Maroni déchaînera ses sauts bouillonnants, ses impasses, ses îles, tout le mystère de son cours échevelé, que seul le piroguier expérimenté connaît. Ce piroguier, vrai fils du fleuve, la main posée sur sa barre, porte la fierté de toute sa confrérie. Grand gaillard à la peau noire, Bushinengué bien sûr, rasta le plus souvent, la masse de ses cheveux tressés relevée en chignon, il se tient face
aux éléments, la tête couverte d’une serviette de toilette pour se protéger du soleil ou d’un sac-poubelle enroulé en turban pour se protéger de la pluie. Pendant que ce demi-dieu du Maroni s’en va ainsi coiffé, le fleuve, lui, étreint dans ses eaux des congélateurs hors d’usage, des bouteilles en plastique, de vieilles sandales et autres rebuts imprécis que ses riverains lui offrent au quotidien. Dans la pirogue, de lourds bidons de gasoil côtoient les packs de coca et de bière. Parfois, une auto est chargée dessus et même, sur un plateau entre deux pirogues allant de concert, un petit camion ou un engin de chantier.

Carnet de voyage en Amérique du Sud de Véronique Béné à découvrir dans Numéro 59.

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