Pour cette fois seulement
EXTRAIT :
Chez Sanae et Jirō, nous dormions dans une maisonnette à part et devions vérifier avant d’en sortir que des insectes ne s’étaient pas glissés dans nos chaussures. Les journées commençaient toutes par un thé vert et un fromage blanc au lait de chèvre agrémenté de rondelles de banane et de confiture d’orange maison. À l’exception des insectes, des deux chèvres et d’un jeune voisin qui venait de temps en temps aider à débroussailler, le couple âgé vivait reclus sur une montagne et ne parlait que quelques mots d’anglais. Il régnait ici une certaine morosité liée au fait d’être loin de toutmais cet écrin de nature rappelait aussi celui, précieux et mystérieux, de Mon Voisin Totoro.
La petite île de Shōdoshima bénéficiant d’un climat chaud est surtout réputée pour sa production d’olives mais nos tâches consistaient à faucher les blés à la main puis à les mettre dans la batteuse (après une nuit de repos), bêcher, planter des patates douces, fabriquer des tuteurs en bambou pour le potager, récolter et laver des légumes (daikon, pommes de terre, salades, haricots verts, choux, carottes, herbes aromatiques) pour enfin les livrer en voiture à des clients.
Le labeur était pour nous éprouvant, surtout sous la chaleur de début d’été, et rythmé par la silhouette infatigable de Sanae. Serviette et chapeau de paille sur la tête, jambes et bras recouverts, gants et bottes par-dessus, nous n’apercevions d’elle qu’un bout de visage dont les yeux, deux fentes, n’échangeaient quasiment pas de regard. Nous tâchions de l’imiter sans rien dire.
Carnet de voyage d’Edith Silva à découvrir dans Bouts du monde 45
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