Puisque tout est là
– EXTRAIT –
Dans la salle à manger de chez ma grandmère, il y a un imposant meuble en bois adossé depuis toujours contre la tapisserie couleur saumon, jadis beige, sans doute originairement blanche. Ce meuble m’a longtemps intriguée. Malgré son prodigieux gabarit, au fil des années, il a su se faire oublier comme un vieillard habitué du pmu. Désormais, personne ne le remarque vraiment. Ses vitres opaques dissimulent tout un tas de trésors, nobles vestiges des périples d’antan de mon grand-père, d’abord militaire puis navigateur. Entre les lourds colliers de corail blanc ramenés de Tahiti, les piles de papiers administratifs non rigoureusement entassés et les soupières chinées dans les vide-greniers des Landes, le meuble est à lui seul capable de ramener à la vie une bonne cinquantaine de personnes. Les souvenirs de voyages, ceux que l’on ressort à Noël ou lors des grandes occasions, les photos qui mettent mal à l’aise, celles des petits-enfants et des enfants des amis dont on a oublié le nom…
Carnet de voyage de Elisa Routa dans Numéro 38
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