Quatre saisons en cabane
– EXTRAIT –
Si je cherche bien dans les tréfonds de ma mémoire, je crois me souvenir que les cabanes occupaient bon nombre de mes jeux d’enfants dans les années 1980. Des chalets Jeujura de mon père, à mon arbre magique jusqu’à la boîte de Kapla de mon fils, je constate que les jouets en bois mais surtout les jeux des bois traversent les époques ainsi que les esprits. Combien sommes-nous à nous remémorer cela ?
Les flocons tombent sur les massifs du Vercors et blanchissent le plateau. Nous observons la neige, bien emmitouflés à l’intérieur d’une maison, le feu crépitant dans le poêle à bois sur lequel je jette un œil au moindre affaissement de bûche. Nous regardons par la fenêtre de nouveau. Je me surprends à penser que c’est fort beau. Nous réfléchissons à notre future manière de voyager, en nous questionnant sur le « voyager loin ». Et si la réponse A était de « voyager bien » et que la réponse B était de « voyager près » ? Le pic de la pandémie est en train d’atteindre son sommet ; plus aucun avion ne vole dans les cieux ; assignés à domicile aux côtés d’un bébé de 6 mois qui crapahute partout comme pour nous faire savoir qu’il veut découvrir le monde, voilà où nous en sommes. Et si ce monde était la France ?
Trop affairés à parcourir les déserts d’Orient, à toujours vouloir voir, être dépaysés, impressionnés, émus, on avait carrément oublié de regarder autour de nous pour tenter de vivre des expériences similaires.
Nous sortons alors une vieille carte Michelin d’un des tiroirs de mon père afin d’examiner ce que notre pays a à nous offrir. Il y a tellement de régions, de routes, de noms, de massifs, de… de verts, représentés qu’on ne sait pas par où commencer.
Nous sortons alors une vieille carte Michelin d’un des tiroirs de mon père afin d’examiner ce que notre pays a à nous offrir. Il y a tellement de régions, de routes, de noms, de massifs, de… de verts, représentés qu’on ne sait pas par où commencer. Le vert, d’ailleurs, qu’est-ce que tout ce vert sur ce bout de papier ? Cette couleur est utilisée pour représenter le végétal, l’organique, l’arbre… et donc la forêt. Nous avons sous nos yeux les forêts de France, s’étalant à perte de vue comme pour nous rappeler les déserts de nos voyages d’antan, répandu des littoraux aux montagnes en passant par les plaines, au nord, au sud, d’est en ouest. La France aurait donc autant de forêts sur son territoire ? Quelle diversité a-t-elle à offrir ? Je regarde par la fenêtre de nouveau. Je me prends alors l’écho de nos réflexions. Face à moi des centaines d’arbres composent le paysage complètement enneigé, celui-là même que je trouvais beau quelques minutes plus tôt. Nous venions de trouver le fond de nos prochaines pérégrinations, il nous fallait maintenant imaginer la forme. Elle aussi se trouvait devant nous. Non pas dehors mais dedans, ici même, dans la maison de mon père. Les jouets de mon enfance, les chalets Jeujura rangés dans un placard, l’arbre magique trônant sur une étagère et les planchettes de Kapla gisant sur le sol hors de leur boîte. Tous avaient pour dénominateur commun l’abri qu’on se construit : la cabane. Fiers de nous comme si nous venions de résoudre un éminent problème mathématique à plusieurs inconnues, nous voilà excités comme des puces (de bois) à l’idée de parcourir la France… de cabane en cabane. C’est ici sur le plateau du Vercors par une glaciale journée de janvier 2021 que commence l’histoire de la famille Cherokee.
Carnet de voyage de Charline Gerbault (texte) et Kares Le Roy (photo) à découvrir dans Bouts du monde 54
Chaque trimestre, recevez dans votre boîte aux lettres de nouveaux carnets de voyages, dans le dernier numéro de la revue Bouts du Monde