Quelle idée de voyager avec un âne dans les Cévennes !
– EXTRAIT –
23 février 2020.
« Cher Louis Stevenson. Hier fut une journée bien morne. Grise, humide, de celles qui me maintiennent au coin du feu. Votre récit « Voyage avec un âne dans les Cévennes » m’a accompagnée et, l’esprit vagabond, j’oubliai cette sombre journée. J’ai quitté votre livre pour rêver de ce chemin et au matin, je vous chérissais pour la perspective d’entreprendre à mon tour ce voyage. Ainsi je décidai de marcher dans vos pas ; m’attachant à ne pas en trahir le tempo, je prendrai un âne pour compagnie et ensemble, nous voguerons au gré du paysage. Je vous imagine curieux de savoir ce que l’endroit est devenu. Je vous le conterai. Comprenez que je désire porter un regard de nouveau-né sur ce pays. Peut-être qu’alors, cheminant de cette naïve liberté, aurai-je la chance de vous y rencontrer. »
30 juin 2021.
« Lewis, dans tes pas j’ai marché, j’ai tiré, j’ai poussé. Quelle idée de partir avec un âne ! »
Début 2020. Je suis amputée de mes rêves d’évasions et de voyages au long cours. Je projetais de me rendre à Madagascar puis en Mongolie lorsque le confinement en décida autrement. Voilà ma liberté malmenée.
Une occasion de (re)plonger dans la lecture des récits des naturalistes et des voyageurs découvreurs du monde. Une admiration que je leur porte depuis mon enfance. Plus tard, je veux être naturaliste du XVIIIe, mais au XXIe siècle !
Je tombe un peu par hasard sur le récit de Louis Stevenson, Voyage avec un âne dans les Cévennes. Au-delà des écrits, je découvre l’homme et je m’y attache. Il me fait rire, rêver de chemins creux, de montagnes bleues, de rencontres simples et de petites maisons en pierres grossières. Je m’interroge sur la notion de voyage, sur la place qu’a la lenteur à notre époque ? Les choses ont un peu changé depuis le passage de Louis. Cent quarante-deux ans ont passé très exactement depuis sa venue dans les Cévennes. Alors ? Est-ce possible de retrouver les sensations de l’auteur sur ce même chemin ? Sans aller à l’autre bout du monde. Sans parcourir tout un pays. Sans accélérer son rythme naturel.
J’attends patiemment qu’on me relâche. Et le 14 juin 2020, je pars pour l’Auvergne, point de départ de mon périple. Je copie mon mentor qui avait cheminé avec Modestine, une ânesse achetée à Monastier-sur-Gazeille. Je marcherai donc également aux côtés d’une ânesse de Haute-Loire.
La marche est fluide, ma tête est légère et l’instant dure… environ une heure. Première rencontre avec l’ennemi juré des ânes : une flaque d’eau. C’est à ce moment précis que je comprends l’affaire.
Grande au pelage clair, les yeux en amande et le nez délicat, je crois bien qu’il s’agit là de ma future compagne de route, Avoine. Derrière la barrière, la moitié de sa trogne apparaît, ses yeux de biche me dévisagent, elle semble curieuse et dégage une certaine assurance.
Nous nous observons un instant, je lui parle doucement : Alors comme ça c’est toi qui m’accompagne dans cette aventure ? Quelle Modestine se cache en toi ?
Au petit matin du 15 juin, j’apprends tout ce qu’il y a à savoir de la fixation d’un bât et c’est parti pour douze jours en tête à tête avec Avoine. Je n’ai absolument rien préparé, je me dis que la randonnée est relativement courte et facile, je n’ai plus qu’à me nourrir de tout ce qui m’entoure et me laisser absorber par le déroulé de mes pas…
La marche est fluide, ma tête est légère et l’instant dure… environ une heure. Première rencontre avec l’ennemi juré des ânes : une flaque d’eau. C’est à ce moment précis que je comprends l’affaire. Du moins j’en ai une ébauche d’idée.
Le carnet de voyage « Quelle idée de voyager avec un âne dans les Cévennes ! » d’Adeline Terpo à découvrir dans Bouts du monde 55
Chaque trimestre, recevez dans votre boîte aux lettres de nouveaux carnets de voyages, dans le dernier numéro de la revue Bouts du Monde