Des rails tordus en Ethiopie
Je prends le train et m’installe en première classe. La seule différence avec la troisième ou les toits du train est le prix du billet. Les banquettes sont défoncées, les rideaux sales et déchirés, les ventilateurs mous du plafond muets à jamais… Mais l’atmosphère qui y règne est magique, on se croirait dans un film de Depardon avec cette langueur monotone des kilomètres de voie qui s’enchaînent au milieu du désert et qui bercent lentement…
Soudain la vraie vie. Je jette un œil en troisième classe, là des chants, des rires, des millions de couleurs chatoyantes, des ballots, des caisses énormes remplies de denrées… Le train est un véritable marché ambulant où bananes et volailles vivantes côtoient le khât, la drogue locale consommée par chacun.
Ce train n’est pas un moyen de transport comme les autres, le chemin de fer raccourcit les étapes entre les peuples : au fil des kilomètres, le farendj (étranger, ndlr) que je suis croise des Afars, des Somalis, Gadabourcis ou Issas, des Oromos, des Ethiopiens, des Erythréens, quelques Yéménites mais je rencontre aussi surtout Rimbaud, Conrad, Kessel et Henry de Monfreid. Ils ne me quitteront dès lors plus jamais.
© Carnet de voyage de Joël Alessandra à découvrir dans Bouts du monde n°24
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