Revenir sur la Chadar
– EXTRAIT –
À plusieurs reprises, nous mettons les pieds dans l’eau gelée, en nous déchaussant. La glace sur laquelle nous marchons est très fragile et peut se rompre à tout moment. La température change constamment, passant de moins 10 °C à moins 30 °C en quelques jours. Bientôt certains endroits seront infranchissables. Nous longeons la paroi rocheuse avec quelques passages étroits où il ne faut surtout pas glisser.
Mais aujourd’hui la glace a cédé sous mon poids, et je suis tombé dans l’eau jusqu’aux cuisses. Tashi, en voulant me retenir, a subi le même sort. Nous avons eu très peur et David s’est empressé de nous sécher. Nono découvre cet environnement et avance très prudemment à petits pas. Il ne se sépare jamais de son carnet et profite de chaque arrêt pour croquer une situation, un personnage ou un paysage. Parfois aucun passage n’est possible à moins d’escalader les pentes à pic et glissantes de la montagne. (…)
Bien des choses ont changé depuis vingt-cinq ans. Les grottes ne sont pas souvent libres et on ne trouve plus beaucoup de bois le long de la rivière. Alors pour nous aujourd’hui, plus de nuits inconfortables dans les grottes, ni detsampa, la farine d’orge grillée, à tous les repas. Lundup, le fils de Tashi, nous a préparé une expédition avec nuits sous tente et cuisinier. Au détour d’un escarpement rocheux, nous croisons un vieil homme solitaire vêtu d’une conchausagée et tirant son traîneau sur la glace. « C’est Stobdan » me dit David ! Je ne l’avais pas reconnu, et pourtant il nous accompagnait l’été 1990 pour sortir du Zanskar par les cols. Quelle rencontre improbable !
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