Roumanie : le repas des Morts
« Bonjour »
– Que transportez-vous ?
– Je me rends chez ma grand-mère pour sa mise en bière ».
Spontanément, je lui demande si je pourrais éventuellement photographier la cérémonie. Le lendemain, le petit-fils nous attend. Il remarque mon appareil et acquiesce d’un signe de tête. Présentation et embrassades nous font chaud au cœur. La famille nous offre café et brioches puis nous demande d’avancer jusque dans la chambre funéraire. Deux popes inondent la pièce d’encens tandis que les femmes toutes de noir vêtues sanglotent.
Le culte continue en plein-air. Un autel improvisé est couvert d’une nappe blanche brodée. Le chantre a apporté son pupitre et son livre. Les paysans affluent et affluent encore et encore. Pendant la lecture de l’évangile, tout le monde s’agenouille ; les plus vieux aux articulations ankylosées se contentent de se pencher le plus bas qu’ils peuvent.
A 14 heures, le repas des morts commence. Il s’agit d’une coutume ancestrale au cours de laquelle la famille et les amis consomment les mets et vins préférés du défunt. Ceci est indispensable à la paix de l’âme de l’être disparu.
En bas de la prairie, nous nous installons parmi les nombreux convives autour de longues tables garnies de saucisses, « mamaliga » (sorte de polenta de maïs), de gâteaux et de l’inévitable « tuisca ». La grand-mère, elle, est restée en haut de la butte.
A 15 heures, les hommes déposent le cercueil sur le plateau. Les deux chevaux s’ébrouent et s’enlisent dans la gadoue. On s’arrête de temps en temps pour reprendre les sempiternelles litanies jusqu’au cimetière tandis que la pluie continue de noyer le chagrin de tout le cortège en bottes.
© Carnet de voyage d’Alain Bordereau – Bouts du monde n°1 – Mars 2008
Chaque trimestre, recevez dans votre boîte aux lettres de nouveaux carnets de voyages, dans le dernier numéro de la revue Bouts du Monde