La Russie d’outre-terre
Dans mon russe alors fragile, je quémandais aide et conseils pour rejoindre Vladivostok, jusqu’à ce que des douaniers frappent mon passeport d’un aigle à deux têtes et que je bascule dans cette étonnante dépendance de Moscou au bord du Pacifique.
A Vladivostok, j’ai posé mes bagages pour plusieurs années, fasciné par cette cité soviétique dressée au-dessus de baies et de la Corne d’or, aux immeubles épousant la courbe des collines. Vladivostok est la pointe méridionale de la Russie d’Orient. La ville vit à sept fuseaux horaires de Moscou, dans le voisinage immédiat de la Chine, du Japon et des Corées.
La flotte militaire du Pacifique déploie ses frégates de combat au centre du port. Mais le tabou et le secret sont levés depuis les années 1990. Vladivostok est devenue une ville ouverte sur le monde, le monde asiatique. La jeunesse passe ses nuits dans des discothèques avec vue sur la mer. Elle se rend à l’aube sur les plages, pour dessoûler en beauté.
Le lointain Kremlin nourrit l’ambition d’abattre ses cartes maîtresses en Asie du Nord-Est : gaz, pétrole et dépendance… Pour cela, il faut sauver de la ruine le vaste Extrême-Orient russe au sud duquel Vladivostok fait figure de joyeuse exception. La ville, relativement prospère, contraste étonnamment avec les difficultés rencontrées plus au nord.
Le départ d’une partie de la population pose à Moscou un défi démographique et économique. Comment fixer les Russes en Extrême-Orient ? Pour avoir soutenu des centaines de conversations avec les locaux, j’ai toujours perçu chez chacun la possibilité d’un départ… et mieux compris le mythe déchu de ce far-east fabuleux.
On voyage d’abord en Extrême-Orient russe par le train. Quand les rails s’arrêtent, on fait du stop auprès de vieux tout-terrains soviétiques sur des pistes chaotiques. Il y a aussi les canots à fond plat sur les rivières, les sentiers dans la taïga. Au nord de Vladivostok s’étend la chaîne de Sikhote-Aline, célèbre pour avoir été le théâtre des aventures de Dersou Ouzala et du capitaine Arseniev, reconnaissant ces montagnes inconnues pour le compte du Tsar.
© Carnet de voyage de Cédric Gras et Aurélien Mas à découvrir dans Bouts du monde n°25
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