Carnet de voyage sur l'île de Sercq de Gilles Kerloc'h
Carnet de voyage - France

Sercq, l’île d’à côté

Il faut songer à aller sur Sercq, l’île d’à côté. Les habitants de Guernesey eux-mêmes n’y pensent pas. À Saint Peter Port, ils ont quand même de la petite île qui leur fait face une idée bien précise : il subsiste là-bas un système féodal, et l’actualité locale est rythmée par les projets de deux frères milliardaires. Suffisant pour savoir où Gilles Kerlorc’h mettait les pieds.

-EXTRAIT-

« Sercq ?… Oh ! Terrific ! » Colin, mon hôte de Guernesey ponctue chacune de ses phrases par « terrific ! », mais cette interjection, à mon annonce de vouloir parcourir Sercq est bien plus enjouée que les précédentes. Pourquoi son « formidable » s’apparente plus à un « terrifiant » ? Mystères de la langue anglaise…

-C’est un endroit qui ne ressemble à aucun autre, tu verras. Les gens qui vivent là-bas ne sont pas dans le même rythme que nous. Tu as l’impression d’être un peu décalé quand tu les côtoies. C’est leur mode de vie.

J’ai pris l’habitude, en rentrant le soir de mes explorations guernesiennes, de passer un moment avec Colin. Je lui rapporte ainsi où mes pas m’ont mené et lui me raconte l’histoire de son île. Cet échange précieux me permet de souffler après une journée de marche, tout en apprenant tous les petits secrets de ce bout de terre, à une cinquantaine de kilomètres de la côte normande. J’avais prévu de partir sur l’île de Sercq dès le lendemain matin. Cette envie remonte à fort loin, avant de parcourir les anglo-normandes, une des îles de l’archipel m’attirait plus qu’aucune autre, Sercq… J’avais lu pas mal de choses à son sujet : dernière seigneurie du XXIe siècle, enclave hors du temps, bijou rocheux à la beauté sauvage… Ces traits de caractère accrocheurs, glanés ici et là, ne pouvaient me laisser insensible.

« Tu y es déjà allé ?

– Oui… me répond-il avec un regard lointain. Il y a bien longtemps. C’est un endroit qui ne ressemble à aucun autre, tu verras. Les gens qui vivent là-bas ne sont pas dans le même rythme que nous. Tu as l’impression d’être un peu décalé quand tu les côtoies. C’est leur mode de vie. L’île a accès à tout ce que la modernité offre de nos jours, mais,c’est ce rythme si particulier qui en fait le charme.

– J’ai entendu parler d’un conflit entre les habitants de Sercq et les frères milliardaires qui ont racheté Brecqhou, la dépendance de l’île ?

– Terrific !!! (Là, je pense que sa ponctuation s’apparente à un réel « terrifiant »). Oui, c’est une histoire compliquée. Les frères Barclay sont arrivés sur l’îlot de Brecqhou en 1993 où ils ont fait construire un château très ostentatoire ! Dès le début, ils se sont opposés au régime féodal de Sercq, arguant que cela les pénalisait dans leurs affaires. Ils ont pu racheter sur l’île principale des hôtels, des petits commerces et des parcelles de terre qu’ils ont plantées en vignes, employant ainsi près d’un quart de la population.

– Alors quel est le problème ?

– Le problème c’est ce fameux régime féodal qu’ils trouvaient trop contraignant. Ils ont voulu le faire réformer en multipliant les procédures judiciaires. La suppression du droit d’aînesse a été leur première victoire. En 2008, ils ont réussi à faire instituer les premières élections démocratiques sur Sercq, mais le résultat n’a pas abouti en leur faveur… En guise de représailles, ils ont fermé toutes leurs affaires sur l’île, poussant au chômage leurs employés. La vie est sans pitié dans le monde des affaires. Mais heureusement, ils ont rouvert peu après et les îliens ont pu retrouver leur emploi… Ne parle pas des Barclay qui divisent l’île, sujet tabou !

– Je n’y vais pas pour la polémique, Colin, juste pour l’envie de découvrir une île extraordinaire où les heures semblent s’écouler plus lentement… »

Carnet de voyage sur l’île de Sercq – Gilles Kerlorc’h – À découvrir dans Bouts du monde 58

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