Sibérie : les légendes de Tchekhov
– EXTRAIT –
Tout a commencé un 31 décembre. Ivres avec ma meilleure amie. Nous nous brossions les dents devant une mappe-monde, le jour pointait, moment de fraternité et de chimère. Elle me lance : « Sur cette carte, quel est l’endroit où tu préférerais aller ? » Mes yeux brumeux la parcourent, le dentifrice commence à goutter, et mon regard se pose sur ce nom, Sakhaline, que je trouvais ô combien poétique. Ce nom venait de sortir des eaux, entre les terres de l’Amour et le Kamchatka. C’est vrai, jamais je n’avais entendu le nom de cette île à la consonance quasi humaine.
Tout en découvrant ce nom, j’avais la certitude obstinée que je devais la rejoindre. Il paraît qu’elle agit sur le cerveau, cette île ; en discutant avec Cédric Gras et d’autres voyageurs croisés sur la route qui m’y menait, leurs réflexions furent quasi identiques. J’annonce donc, ce fameux 1er janvier, que c’est à Sakhaline que j’irai.
Après quelques heures de repos, je me plonge dans internet et découvre la fabuleuse et mystérieuse histoire qui lie Tchekhov à Sakhaline. Cet « appel », ces longs et douloureux mois de voyage puis les visages burinés qu’il y rencontre en tentant de rédiger cette sorte de « testament » de l’île du bagne. En plus de sa propre attraction poétique, Sakhaline avait une vraie histoire sociale à me raconter, et bien entendu mon obsession, s’il se peut, s’intensifia.
Cette même année, je donnais des cours de photographie au Lycée de l’Image et du Son d’Angoulême. Habituellement je m’occupais des classes de Cinéma-Audiovisuel, mais cette fois-ci on m’attribue la classe des Terminales Théâtre. L’auteur principal au programme pour cette année était : Anton Tchekhov. Ils désiraient monter une pièce peu connue de l’auteur et explorer une mise en scène moins traditionnelle. Je jubilais car tout semblait me mener à Sakhaline. Bien entendu je leur parle de son récit et de ses correspondances où il détaille d’une façon très brute ce voyage qu’il entreprend malgré les défiances de son entourage.
En quelques minutes, une décision générale est prise : les élèves vont écrire une pièce à partir des textes de Tchekhov, et ils me proposent de partir là-bas pour illustrer par des projections de photographies, vidéo et sons, l’univers très intense qui semble émaner de cette île. Parfois les astres semblent s’aligner si parfaitement que cela en devient suspect, non ? La Sakhaline si attrayante me réserve-t-elle un piège ? Je m’envole pour Vladivostok au début du mois d’octobre de cette fameuse année.
Découvrez la suite du récit de voyage de Pascaline Aumond dans Numéro 31.
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