Sous le sable
– EXTRAIT –
Partir en Algérie en 1974 relevait non pas de l’inconscience mais de l’expédition. Une seule agence de voyages proposait-elle cette destination, à l’époque ? Je ne crois pas. Mes parents louèrent une voiture à Marseille, je crois, je revois le ferry (« C’est le mari de la féerie ? » disait le petit garçon) avalant la Renault 12; non, la voiture fut louée à Alger, et je revois vaguement Alger la Blanche, l’éblouissante, la Casbah, l’étonnement de l’ombre, la lumière qui m’éblouira plus en lisant Camus et Boudjedra que la vraie… mais qu’est-ce qu’on faisait là ? Pourquoi l’Algérie ?
On ne pouvait pas aller aux Baléares, comme tout le monde ? Je savais, un peu, vaguement, que mon père avait « fait » la guerre d’Algérie, comme beaucoup. Qu’il l’avait faite comme dentiste, dans un bled au nom romanesque, Sidi Bel Abès. Plus tard, j’en saurai davantage, le FLN, l’OAS, Massu, la torture, de Godard, Henri Alleg, etc. La guerre d’Algérie faisait partie de l’histoire de France, un moment obscur et occulté.
Le petit garcon de 13 ans ne savait rien de cela. Peut-être juste qu’il aurait pu naître en Algérie. Que ça avait failli. Ma mère débarqua en Algérie avec un bébé de trois mois. Qu’on retrouva sous les débris de verre dans son couffin après l’explosion, souriant. L’OAS venait de plastiquer l’immeuble parce que les propriétaires avaient refusé de se laisser racketter. J’étais un petit miraculé de la sale guerre.
Carnet de voyage de Simon à découvrir dans Numéro 37
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