Sous le smog
L’avion a avalé ces heures comme il n’a fait qu’une bouchée de ces kilomètres. Nous effectuons un premier atterrissage en Chine à l’aéroport international de Chengdu, province du Sichuan. Le jour se lève à peine. Très vite, nous nous engouffrons dans l’air déjà moite en direction de l’aéroport national. Depuis la périphérie, la ville semble immense. D’ailleurs, depuis le ciel, de multiples petites lumières rouges clignotaient dans la nuit du haut des nombreux immeubles comme repères pour les avions. Au sol, ce sont d’énormes infrastructures routières qui s’élancent et s’entremêlent vers une destination encore prisonnière des brumes matinales (ou de la pollution).
Ces bateaux surchargés confèrent l’impression de se rapprocher du début de la chaîne de production mondiale. Le « Made in China » prend forme. C’est une réalité, non plus un simple texte accompagné d’une image dans un livre de géographie
Nous ne tardons pas à redécoller pour Shanghaï. Cette ville de commerce est déjà bien imposante vue d’en haut. Elle s’étend sur une centaine de kilomètres, entourées de zones humides et de parcelles cultivées ; depuis l’avion, elle semblait irriguée de toutes parts. Une large étendue fend ici les terres plates : c’est l’embouchure du plus grand fleuve de Chine, le Yangzi Jiang (Fleuve Bleu en Français). Sur les eaux de l’estuaire, des porte-containers piquettent la surface argentée. Ces bateaux surchargés confèrent l’impression de se rapprocher du début de la chaîne de production mondiale. Le « Made in China » prend forme. C’est une réalité, non plus un simple texte accompagné d’une image dans un livre de géographie.
Une fois à l’aéroport de Pu Dong (Shanghaï), nous devons nous rendre à la gare de Shanghaï Hongqiao. Le soleil peine à percer les vapeurs grises. En bus-express, une heure de trajet est nécessaire à travers un dédale d’infrastructures colossales. Depuis les routes haut perchées, l’organisation urbaine défile comme d’infinis décors de théâtre. Malgré la densité, les formations urbaines de ces banlieues sont assez diversifiées. Hao m’explique : de grands immeubles s’organisent en résidences. Les promoteurs immobiliers achètent une parcelle et y développent un certain nombre de bâtiments identiques. Ces résidences se côtoient donc sans grande cohérence. Seule la végétation se faufilant dans les rues et s’engouffrant dans les parcs harmonise ces espaces. Elle adoucit ces colosses de béton et protège dans son écrin de petites maisons de parpaings ou de briques qui résistent encore. La gare fourmille. Dans le train à grande vitesse chinois, nous suivons la plaine à partir de Hangzhou. Les paysages plats de polyculture sont fragmentés en petites parcelles par d’innombrables canaux. À l’arrière, les montagnes, tantôt s’éloignent, tantôt se rapprochent, par des plis boisés. La plaine alluviale s’étale, repousse les montagnes. Nous arrivons à la confluence de deux rivières, à la ville de Longyou, là où nous séjournerons pendant une dizaine de jours. Après un repas laborieux (pas facile d’attraper les coques avec les baguettes) et aux mets variés, je dois me rendre au commissariat de police afin de me déclarer chez l’habitant. Ici, je suis l’étrangère, c’est la promesse d’un dépaysement.
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